Rabbit Hole – Univers parallèles
Théâtre des Célestins / de David Lindsay-Abaire / mes Claudia Stavisky
Publié le 27 septembre 2017 - N° 258Ni dans l’écriture, ni dans l’interprétation, ni dans la mise en scène, Rabbit Hole, histoire bâtie autour de la résilience d’un couple, ne parvient à toucher.
C’est un drame familial. Une cuisine en bois et inox type haut de gamme d’Ikea donne sur un salon standard d’occidental aisé avec canapé, table basse et télé. Deux sœurs se disputent : l’une plie consciencieusement du linge d’enfant – on comprend que c’est une femme au foyer plutôt sage -, l’autre raconte sa bagarre dans un bar – on comprend qu’elle est aux antipodes de sa sœur rangée. Mais l’intrigue se déplace vite puisqu’on apprend que la jeune sœur est enceinte quand son aînée a, elle, perdu son jeune fils, qui avait quatre ans, dans un accident. L’histoire, qui a été adaptée au cinéma avec Nicole Kidman, commence huit mois après ce drame absolu que constitue la mort d’un enfant. La violence initiale du choc est passée mais le couple n’a pas encore repris pied dans la vie. Le peut-on vraiment un jour d’ailleurs ? Rabbit Hole pose la question en suivant les tentatives de reconstruction des deux parents dans leurs parcours parallèles et souvent divergents.
Entre douleur et nécessité de vivre
La matière est brûlante et David Lindsay Abaire, auteur américain multi-primé, a choisi de donner plutôt dans le tiède en campant ce couple au moment où il doit composer entre la persistance de la douleur, toujours là, collante et intacte, et la nécessité de se relancer dans l’insoutenable légèreté de la vie. La tension entre les deux pôles se déploie malheureusement à travers des situations téléphonées et peu crédibles. La grand-mère maladroite qui rappelle dans chaque rayon ce que l’enfant mort aimait manger quand elle fait les courses avec sa fille, la sœur enceinte qui peine à comprendre pourquoi son aînée ne se réjouit pas de l’enfant à venir, l’ado qui a causé l’accident du fils qui écrit une nouvelle pour son école et demande aux parents s’il peut la dédicacer au disparu… Ce couple est sans cesse sous le feu de réactions inopportunes de leur entourage, qui donnent lieu à d’incessantes disputes, démonstratives dans le propos, tant l’on sent bien ce que l’auteur a voulu qu’il s’y joue. Dans cette dramaturgie laborieuse, l’interprétation n’aide pas beaucoup, car Julie Gayet, si elle est sobre, manque encore d’intériorité et de puissance émotionnelle dans le jeu pour faire vibrer le personnage de la mère de l’enfant disparu. De plus, la mise en scène de Claudia Stavisky utilise de la musique quand l’émotion irait de soi, projette des images vidéo quand on avait bien compris le cheminement intérieur des personnages, le tout dans une lumière rasante qui traverse les lamelles d’un store et strie les visages et le décor. A la fin, bien sûr, les personnages auront franchi une étape dans leur résilience. Alors quelques dialogues essayent de dire l’indicible, le tragique, plutôt que de le contourner, et l’émotion monte. Mais c’est un peu tard.
Eric Demey
A propos de l'événement
Rabbit Hole – Univers parallèlesdu mercredi 13 septembre 2017 au dimanche 8 octobre 2017
_Théâtre des Célestins
4 Rue Charles Dullin, 69002 Lyon-2E-Arrondissement, France
Jusqu’au 8 octobre, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tel : 04 72 77 40 00. Durée : 1h45.