La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Swann s’inclina poliment

Swann s’inclina poliment - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville
Swann s’inclina poliment de la compagnie Franchement, tu. Crédit : Camille Morhange

Théâtre de Belleville / d’après Marcel Proust / mes Nicolas Kerszenbaum

Publié le 27 septembre 2017 - N° 258

Avec sa compagnie Franchement, tu, Nicolas Kerszenbaum propose une version très libre de Un amour de Swann de Marcel Proust. Un projet ambitieux porté par un jeu dynamique et un sens aigu de l’image, dont la dimension sociologique peine toutefois à convaincre.

Éclairé par des néons fluorescents aux couleurs changeantes, un groupe d’orchidées disposées au fond du plateau renseigne d’emblée sur le rapport de Nicolas Kerszenbaum à Marcel Proust. Sur sa capacité à faire image des détails de la passion amoureuse décrite par le romancier dans la seconde partie du premier volume de À la recherche du temps perdu. Du plus bel effet, ce morceau de la remarquable scénographie conçue par Louise Sari renvoie à un passage important du texte : la première soirée d’amour entre le personnage éponyme et Odette de Crécy (troublante Marik Renner), une semi-mondaine qui l’introduit dans le clan de Madame Verdurin (Sabrina Baldassarra, excellente en bavarde frivole) et de son fidèle ami peintre surnommé Biche (Thomas Laroppe). Odette portant ce soir-là un bouquet catleyas – orchidée d’Amérique du Sud –, l’expression « faire catleyas » devient la base du vocabulaire amoureux des deux amants. Résumée en quelques phrases prononcées au micro sur la musique jouée en direct par Guillaume Léglise et Jérôme Castel, la scène est adaptée avec une grande liberté. Dans Swann s’inclina poliment, la précise description des affres sentimentaux et les longues phrases proustiennes s’effacent en effet souvent derrière une réflexion sur nos manières de vivre en société.

Une Belle Époque très présente

Presque indépendant de Combray et de Noms de pays : le nom, les deux parties qui l’encadrent, Un amour de Swann permet à Nicolas Kerszenbaum de poursuivre un travail sur la France d’aujourd’hui mené depuis 2005 avec sa compagnie. Située dans une temporalité floue, quelque part entre la Belle Époque et le XXIème siècle, sa pièce offre pour cela une place centrale au public. Installés sur une table basse qu’ils ne quittent qu’à l’occasion d’intermèdes musicaux, les trois comédiens attribuent aux spectateurs le rôle de Swann. Un « CSP ++++ » séducteur et bon vivant. Un observateur de la petite communauté qui s’agite et palabre soir après soir devant lui, tandis que sa relation avec Odette passe par tous les stades de l’amour destructeur. Libre à chacun de façonner le héros à sa fantaisie, dans les limites fixées par la compagnie. Un parti pris d’adaptation mis au service d’un parallèle entre l’état des classes sociales à l’époque de Proust et la nôtre, hélas peu probant. Une partie d’un jeu de société inventé par Biche est par exemple l’occasion de développements trop généraux sur le capitalisme et la lutte des classes. Si notre tissu social actuel a une quelconque parenté avec l’aristocratie déclinante et la bourgeoisie d’hier, ce n’est donc pas dans Swann s’inclina poliment qu’il faut la chercher. On retiendra plutôt la beauté plastique et la fraîcheur de la proposition.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Swann s’inclina poliment
du mercredi 13 septembre 2017 au dimanche 3 décembre 2017
Théâtre de Belleville
94 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris, France

Jusqu’au 3 décembre 2017, du mercredi au samedi à 21h15, le dimanche à 17h. Durée de la représentation : 1h30. Tel : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com.

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