La Terrasse

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Théâtre - Critique

La plus précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Charles Tordjman

La plus précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Charles Tordjman - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
© Antoine de Saint-Phalle

Théâtre du Rond-Point / de Jean-Claude Grumberg / Adaptation et mise en scène Charles Tordjman

Publié le 27 septembre 2021 - N° 292

Charles Tordjman met en scène sa remarquable adaptation du conte dans lequel Jean-Claude Grumberg sonde l’infini de l’amour et celui de la barbarie. Un spectacle remarquable servi par des comédiens éblouissants !

C’est peu dire que l’on attendait ce spectacle, non seulement à cause du confinement languissant qui en a retardé la création, mais surtout à cause de la force de la miniature imaginée par Jean-Claude Grumberg, tellement bouleversante que l’on se demandait bien ce que le théâtre allait en faire…  Charles Tordjman réussit une très belle adaptation du texte, confiant à Eugénie Anselin et Philippe Fretun le soin de raconter le miracle de l’amour et la cruauté infernale de l’extermination nazie. Les deux comédiens narrent et interprètent l’histoire de Pauvre Bûcheronne et Pauvre Bûcheron qui regardent, depuis la forêt, passer les trains qui emportent vers l’enfer ceux de la tribu des « sans-cœur » dont on leur a répété qu’il fallait les détester. Jusqu’au jour où, aux pieds de Pauvre Bûcheronne qui supplie les puissances du ciel et de la terre de lui accorder un petit à chérir, en tombe un d’un wagon. Comme on rassure les enfants quand on leur raconte des histoires terrifiantes de monstres qui n’existent pas, le texte et les comédiens jouent de la connivence avec le public, de l’humour, de la distance ironique : qui oserait imaginer que des parents jettent un nourrisson dans la neige en espérant le sauver ainsi du meurtre crématoire ?

La lumière évidente des Justes

Eugénie Anselin et Philippe Fretun arpentent la scénographie en forme de marelle où le gouffre et la chute menacent à chaque pas, comme dans la forêt hostile où il faut avoir des pattes de renardeau et une âme droite et pure pour survivre. En fond de scène, les images projetées font apparaître Julie Pilod, fantôme des parents déportés de la fillette et témoin poignant de l’Histoire saccagée par les bourreaux et les lâches. Une lumière irradiante nimbe le visage et le jeu d’Eugénie Anselin pendant que Philippe Fretun bouillonne de colère rentrée et de tendresse. Emanent de leur interprétation, ondoyante, sobre et subtile, toutes les émotions que fait naître cette histoire qui indigne autant qu’elle désarme, fait sourire autant que pleurer, tient en haleine et provoque chez le spectateur le même serrement de cœur que celui qui broie la poitrine des deux bûcherons quand ils découvrent le prodige de la vie et de l’amour tandis qu’agonise l’humanité. Déchirant, palpitant, saisissant et attendrissant : éblouissant comme un phare confondant les ténèbres !

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Plus précieuse des marchandises
du mardi 21 septembre 2021 au dimanche 17 octobre 2021
Théâtre du Rond-Point
2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris.

À 18h30. Relâche le lundi et le 26 septembre. Tél. : 01 44 95 98 21. Durée : 1h05.

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