La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Quelqu’un comme vous

Quelqu’un comme vous - Critique sortie Théâtre
Crédit : Giovanni Cittadini Cesi Légende : « Jacques Weber et Bénabar pour Quelqu’un comme vous. »

Publié le 10 avril 2011 - N° 187

Dans Quelqu’un comme vous de Fabrice Roger-Lacan par Isabelle Nanty, Jacques Weber et Bénabar assurent tant bien que mal les notes théâtrales d’une partition indigente.

Quelqu’un comme vous, pièce de Fabrice Roger-Lacan, aurait pu relever d’une prétention beckettienne, une possibilité déçue. Deux personnages anodins dont nous ne connaîtrons jamais ni l’identité ni la profession exactes s’installent sur le plateau avec le plus bel aplomb possible et la même arrogance pour un duo malheureusement peu infernal. Voilà Quelqu’un (Jacques Weber), un homme d’âge mûr, décideur et socialement reconnu, et Quelqu’un d’autre (Bénabar), un jeune gringalet plutôt sympathique mais dont les occupations restent obscures, pour ne pas dire malhonnêtes. Même s’il se dit « homme de contact », Quelqu’un redoute la proximité avec Quelqu’un d’autre, il aspire à la solitude et au silence – des valeurs qu’il sait obsolètes et dont on se moque largement aujourd’hui, comme la franchise. L’homme d’affaires au repos parle confusément d’appels urgents à recevoir et à donner depuis son mobile. Son partenaire indiscret s’accroche à la présence de son aîné, évoque une baignade bien méritée dans la mer proche et la crème solaire qu’on aurait pu lui passer sur le dos, si ce même voisin de plage avait été un peu plus coopérant.
 
Deux manières inconciliables d’être
 
Quelques dissensions sociales implicites et insurmontables surgissent bien vite : « Si mes parents avaient pu se payer des vacances à la mer, ça leur serait pas venu à l’idée de partir sans nous. », dit le jeune donneur de leçons. Le senior rétorque sans vergogne  : « On vous farcit la tête depuis la maternelle avec la sainte solidarité. Tout le monde a besoin de tout le monde. C’est le bouillon universel… » Décidément, rien ne va plus ni entre eux, ni entre la scène et la salle qui s’ennuie. Écoutons encore Quelqu’un : « On pourrait espérer un peu plus d’excentricité d’un type qui tue de sang-froid pour gagner sa vie. Mais non. » Le public attendait aussi plus de sel et de piquant, plus de virulence et de force dans ce tête-à-tête entre deux générations, deux présences au monde et deux manières inconciliables d’être. La hargne, la violence et la manipulation, n’étant pas inscrites dans l’écriture, elles ne sont qu’à peine jouées ou simulées, tout juste effleurées. Le spectateur doit se contenter de la présence bienveillante de deux stars, de deux pointures scéniques, l’une de théâtre et de cinéma, l’autre de la chanson. Jacques Weber déploie une immense bonté pour un texte qui ne le mérite pas tandis que Bénabar, le regard habité et dirigé vers le public mais le micro en main en moins, arpente la scène de cour à jardin, en ne se demandant pas le moins du monde ce qu’il fait sur un plateau de théâtre. On s’interroge.
 
Véronique Hotte


Quelqu’un comme vous, de Fabrice Roger-Lacan ; mise en scène d’Isabelle Nanty. Du 3 mars au 10 avril 2011 à 21h, dimanche 15h, relâche lundi. Théâtre du Rond-Point, 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris Réservations : 01 44 95 98 21 Texte publié aux Quatre-vents à L’Avant-Scène.

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