La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2016 - Gros Plan

Que ferai-je, moi, de cette épée ?

Mêlant le japonais, l’espagnol et le français, l’artiste espagnole Angélica Liddell, directrice de l’Atra Bilis Teatro, revient à Avignon avec un nouveau spectacle, conçu comme une Enéide folle entre Paris et Tokyo.

Trilogía del infinito II / ¿ Qué haré yo con esta espada ? (aproximación a la Ley y al problema de la Belleza) / Trilogie de l’infini II / Que ferai-je, moi, de cette épée ? (approche de la loi et du problème de la beauté) / conception et mes Angélica Liddell

Publié le 26 juin 2016 - N° 245

Mêlant le japonais, l’espagnol et le français, l’artiste espagnole Angélica Liddell, directrice de l’Atra Bilis Teatro, revient à Avignon avec un nouveau spectacle, conçu comme une Enéide folle entre Paris et Tokyo.

Angélica Liddell, directrice de l’Atra Bilis Teatro, définit son travail à la poésie crue et violente comme une résistance civile et un geste de survie. Atrabilaire à l’image de cette humeur noire venue de la rate, Angélica Liddell a choisi de mettre ses créations sous l’égide de ce fluide épais et mélancolique pour marquer la prédilection de ses investigations artistiques : la souffrance intime et collective, miroir l’une de l’autre. Que ferai-je, moi, de cette épée ? appartient à La Trilogie de l’infini, commencée avec Cette courte tragédie de la viande. Cette deuxième partie se construit comme un aller-retour entre Paris et Tokyo, « comme une Enéide folle, une guerre pour le regret de la beauté à la recherche des rives de l’infini, de l’inatteignable, du sacré ». Inspiré d’Hypérion, de Hölderlin, le spectacle s’articule autour de deux actes de violence terrifiants : le crime d’Issei Sagawa, le « japonais cannibale » qui dévora la jeune Renée Hartevelt en juin 1981, et la nuit meurtrière du 13 novembre 2015. Le spectacle se construit entre ces deux événements : « cannibalisme et terrorisme, comme prise de conscience de sa propre expérience, au cœur même du rationalisme ».

A la recherche de la sensation pure

« Pour employer une ligne argumentaire classique, on dirait qu’il s’agit de l’histoire d’une femme qui veut se tuer, et tuer depuis sa naissance, et qui libère dans la fiction ses tendances homicides, ses véritables désirs, et qui, finalement, devient convaincue que, à cause de sa relation spirituelle à l’horreur, aux cannibales, elle est capable de générer des mises à mort, des mises à mort réelles, par la seule force et la seule violence de sa pensée, comme une blessure mentale couverte de sang de porc, et elle porte sur ses épaules, comme un destin funeste, les cadavres de Paris. Toute sa détresse du dilemme, qui est aussi celui de Mishima, qui s’établit entre la parole (la poésie) et l’action (la vie), qui semble s’articuler toujours selon le triangle beauté-érotisme-mort. », dit Angélica Liddell. L’artiste espagnole présente son travail comme « une rébellion contre le rationalisme », née « de l’affrontement entre la poésie et la loi, ou, mieux, de l’affrontement entre la loi de l’Etat et la poésie, entre la prose de l’Etat et l’emportement de l’esprit. Comment transformer la violence réelle en poétique qui nous mette en contact avec notre vraie nature, par le biais d’actes contre nature ? » Avec Nietzsche, Thoreau (« La poésie consiste à arracher d’un coup le cœur de la vie, tout comme l’indien arrache le cuir chevelu. ») et Cioran comme guides, Angélica Liddell cherche « la sensation pure, qui n’a pas de nom » et revient à l’origine de la tragédie, forte de cet adage : « On ne peut créer l’être humain qu’en le détruisant, c’est-à-dire en brisant la loi, ce qui est possible grâce à la « supra-morale » de la poésie. »

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Que ferai-je, moi, de cette épée ?
du jeudi 7 juillet 2016 au mercredi 13 juillet 2016
Festival d’Avignon. Cloître des Carmes
Rue des Infirmières, 84000 Avignon, France

à 22h, relâche le 9. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 3h45.

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