La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Pierre Pradinas

Pierre Pradinas - Critique sortie Théâtre
Légende : Pierre Pradinas

Publié le 10 mars 2011 - N° 187

Redécouvrir Labiche

Pierre Pradinas revient avec quelques-uns de ses acteurs fidèles, dont Romane Bohringer, pour deux courtes comédies de Labiche : 29°à l’ombre et Embrassons-nous Folleville !

Est-ce la première fois que vous vous emparez des textes de Labiche ?
Pierre Pradinas : Au départ, Labiche ne me passionnait pas beaucoup. Il faut dire qu’il traîne une réputation d’auteur bourgeois et réactionnaire. Il est accusé d’avoir œuvré dans des genres peu considérés : le vaudeville et la comédie de boulevard. Et en plus comme c’est un bourgeois, on s’interdit par principe de penser qu’il aurait pu être critique envers son milieu.

Qu’est-ce qui dans ces conditions vous a poussé vers ces deux pièces ?
P.P : C’est un livre de Philippe Soupault qui m’a ouvert les yeux sur Labiche. Il montre toute la férocité de l’auteur envers cette société postnapoléonienne où l’argent conditionne pour la première fois les comportements sociaux. Auparavant, je m’étais attaché aux pièces courtes de Molière, dont Le Mariage forcé que j’avais monté à la Comédie-Française. Ce qui m’intéressait déjà dans la comédie, c’était son point de vue critique, la charge qu’elle pouvait porter. J’ai donc choisi ces deux opus qui ont pour point commun de développer une peinture de mœurs. 29° à l’ombre que Labiche écrit à la fin de son œuvre, et Embrassons-nous Folleville !, qu’il rédige tout au début.

Que s’y trame-t-il ?
P.P : Dans 29° à l’ombre, on assiste à la substitution des valeurs aristocratiques par les valeurs bourgeoises, où l’argent domine bien sûr. Un dimanche à la campagne, un homme, futur député, manque de se faire cocufier, et préfère négocier un compromis avec le prétendant de sa femme plutôt que de le provoquer en duel. Dans Embrassons-nous Folleville !, l’action se passe sous Louis XV et on assiste au schéma classique d’un mariage arrangé que la jeune fille refuse. Elle se met alors à tout casser dans la maison, ce qui donne à cette pièce un côté défouloir.
« L’enjeu dans des pièces courtes est aussi de crédibiliser très rapidement les personnages tout en appuyant le trait comme le faisait Daumier. »

Ces pièces résonnent-elles dans le présent ?
P.P : Bien entendu en ce qui concerne la place de l’argent. Mais ce qui m’intéressait aussi, c’était d’effectuer, avec Labiche un voyage dans le théâtre. Pour 29° à l’ombre, les costumes sont contemporains puis on passe à une pièce en costumes d’époque avec changement de décor à vue. Embrassons-nous Folleville ! est aussi une pièce musicale où, suivant les indications de l’auteur, nous avons intégré des airs à la mode interprétés en play-back. On y joue de décalages avec ces chansons, avec les costumes, avec des perruques qui siéent plus ou moins bien aux acteurs. Dans la continuité de cette idée de voyage historique, la scénographie figure un livre dont la tranche serait tournée vers le spectateur. Entre les deux pièces, le livre s’ouvre suivant un mouvement spectaculaire qui reconfigure la scène.

Cherchez-vous à être féroce à travers ces satires ?
P.P : Pas vraiment. Ce qui m’intéresse, c’est davantage l’humanité des personnages, leur faiblesse qui les rend inadaptés à leur monde. Par exemple, j’adore les romans d’Emmanuel Bove. Et j’ai essayé de créer un univers sonore et imaginaire à la Tati. C’est pourquoi nous avons avant tout cherché avec les comédiens à incarner les personnages, à poser leur dimension humaine. Parce que l’enjeu dans des pièces courtes est aussi de crédibiliser très rapidement les personnages tout en appuyant le trait comme le faisait Daumier.

Avez-vous été surpris par Labiche ?
P.P : Embrassons- nous Folleville ! est plus burlesque, avec des actions cocasses qui s’enchaînent dans une certaine folie. Mais dans 29° à l’ombre, les personnages s’ennuient. Ils jouent, font des micro-actions comme dans du Tchekhov. Le temps passe lentement et au contraire de ce qu’on pourrait croire, il ne faut pas mettre un rythme à la Feydeau. Cette langueur m’a étonné et séduit.

Propos recueillis par Eric Demey


29° à l’ombre et Embrassons-nous Folleville ! de Labiche, mise en scène de Pierre Pradinas. Du 10 mars au 10 avril au Théâtre de la Tempête, route du champ de manœuvres, Paris. Réservations : 01 43 28 36 36

A propos de l'événement


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