La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Échange/Tournée

L’Échange/Tournée - Critique sortie Théâtre
Crédit : Philippe Delacroix Légende : « La valeur soupesée des êtres pour un échange éventuel.»

Publié le 10 avril 2011 - N° 187

L’Échange claudélien – version 1952 – est négocié plutôt favorablement par un quatuor de vrais acteurs dans la mise en scène lumineuse de Bernard Lévy.

Une soixantaine d’années après la première version de L’Échange (1893), écrite par Claudel alors jeune consul à New York, le même dramaturge écrit une seconde version de la pièce (1952), au style plus libre, que Bernard Lévy met en scène une soixantaine d’années plus tard encore, avec la griffe et le panache mélancoliques de nos temps âcres. Louis Laine (naïf Pierric Plathier), un Américain fougueux d’origine indienne vit de petits boulots. À ses côtés, brille calmement Marthe (Audrey Bonnet souveraine), la paysanne amoureuse qu’il a enlevée à sa famille en France lors de son séjour européen. Non loin de ce couple juvénile, rôde la maturité aguerrie d’un businessman, Thomas Pollock Nageoire (Pierre-Alain Chapuis réfléchi) et de son épouse libre, l’actrice Lechy Elbernon (troublante Aline Le Berre) qui boit plus que de raison. La scénographie bien frappée de Giulio Lichtner pose d’emblée la rudesse des enjeux de ce drame en forme de quatuor dont les figures sont traversées par des intérêts contradictoires – l’amour, la fidélité, l’argent, l’art, la liberté. Sur le rivage de la côte Est du nouveau Monde, le camping car des jeunes gens, acier chromé souriant et tendance kitch des années 50, tient lieu de repaire et de sauvegarde privée.
 
Les nuages du cœur peuvent transformer la lumière en ténèbres
 
Ce choix insolite de « villégiature » se rapproche d’un retour à la terre dû aux faibles revenus du couple qui n’a d’ailleurs jamais connu les affres de la ville. Pour Marthe, il s’agit de défendre ce qui est pur, un monde solide de simplicité et de modestie, à l’écart des vicissitudes de l’histoire humaine et du pouvoir économique et financier de la ville où sévit l’arrogance de l’homme d’affaires. Ce Thomas Pollock Nageoire désire procéder à un troc, à une transaction commerciale car la jeune Marthe l’émeut. Il la considère comme une valeur d’échange précieuse contre une liasse de billets verts à l’intention de Louis Laine dont il veut se débarrasser, devenu l’amant instable de Lechy Elbernon, rouée et vengeresse. Un écran vidéo, suspendu obliquement dans les airs, donne à voir les formes changeantes nuageuses qui viennent orner un ciel lumineux énigmatique. Pluie ou tempête, ombre ou ténèbres, les nuages du cœur peuvent transformer la lumière en ténèbres et le ciel en menace. Le firmament, ses mouvements et ses respirations sont le siège des secrets intimes de l’âme mouvante, un support de l’imaginaire, une image du temps qui s’écoule. La petite roulotte de saltimbanque avec son ciel par-dessus le toit raconte dans une tension aiguë cette histoire tragique d’amour et de trahison, de perte et de biens en ruine. Une affaire de contradictions et de souffrances inhérentes au désir des êtres.
 
Véronique Hotte


L’Échange, de Paul Claudel ; mise en scène de Bernard Lévy. Du 12 au 14 avril 2011 au Nouveau Théâtre de Besançon. Réservations : 01 60 34 53 60. Du 20 au 22 avril à l’Espace Malraux- Scène nationale de Chambéry. Réservations : 04 79 85 55 43. Du 10 au 19 mai à la MC2 – Grenoble. Réservations : 04 76 00 79 00 Spectacle vu à L’Athénée –Théâtre Louis Jouvet. Durée : 2h30 avec entracte.

A propos de l'événement


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