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Jazz / Musiques - Entretien

Pierre de Bethmann, entre équilibre et liberté

Pierre de Bethmann, entre équilibre et liberté - Critique sortie Jazz / Musiques 75001 Paris Sunset-Sunside
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© JLuc Caradec / F451 Productions

Publié le 17 janvier 2018 - N° 261

Le pianiste et leader Pierre de Bethmann évoque son travail en trio qui vient d’aboutir à un nouvel opus sobrement intitulé « Essais / volume 2 », sorti sur son propre label : Aléa.

De quoi est née votre envie de renouer avec le format du trio ?

Pierre de Bethmann : Je partirais des personnalités de Sylvain Romano et Tony Rabeson, que j’admire beaucoup, pour des raisons liées à leur conception du son, d’abord, très acoustique. Ensuite, il y a leur culture profonde de la tradition du swing et d’une certaine conception du jazz à laquelle je suis attaché. Troisième élément, je leur trouve une immense ouverture d’esprit. Nous avons remarqué qu’il y avait la grande tradition des standards du jazz mais aussi d’autres choses auxquelles on pouvait essayer de se « frotter », comme la chanson française ou le répertoire classique. On marche sur des œufs, car c’est très compliqué de se les approprier… mais je m’y attelle avec le même état d’esprit, au fond, que l’on pouvait avoir lorsque la musique de l’industrie musicale américaine des années 1920 et 30, qui n’est pas si éloignée du classique, a été transformée en standards par le jazz.

« Le trio, une affaire de tous les instants qui offre un champ de liberté large. »

Justement, quelle est votre conception des « standards » ?

P. de B. : Je dirais qu’il s’agit de choses qui d’une façon ou d’une autre ont perduré un peu plus que d’autres, ont imprégné certaines mémoires collectives, même si cela ne concerne pas une immense quantité de personnes. J’essaie de trouver un équilibre parmi ces morceaux qui sont restés et qui ne sont pas forcément trop joués en trio, pour lesquels je n’ai pas l’impression d’être inondé par une inflation de références étouffante. Ce qui me motive, c’est de trouver un certain angle de traitement à chaque fois : une originalité harmonique, un élément rythmique un peu fort… Car, au fond, ce sont des prétextes à jouer.

Le trio serait-il l’espace d’une liberté et d’un jeu alternatif à tout ce que vous mettez en œuvre, en tant que compositeur et chef d’orchestre, dans le Medium Ensemble ?

P. de B. : Oui. Je reste très impressionné par le trio, une affaire de tous les instants qui offre un champ de liberté large. On est en permanence sur le grill, plus exposé à l’écoute des uns et des autres. On prend le temps, on arrive à développer les solos comme on le souhaite. Je me réserve aussi la possibilité de faire de longues introductions ou transitions, afin d’essayer de concevoir la notion d’improvisation plus fondamentalement encore que la simple notion de « variation ». Pour un musicien classique, en effet, notre exercice sur les standards s’apparente à celui de la variation, parce qu’on garde un canevas. Même si je me sens extrêmement libre dans ce cadre, c’est intéressant de s’aventurer dans d’autres sphères, où l’on construit en temps réel le parcours harmonique en plus du propos mélodique, par exemple. Je trouve cela passionnant, et le trio m’offre cette liberté.

Propos recueillis par Vincent Bessières

LA CRITIQUE DU NOUVEL ALBUM
Essais, volume 2

Ça commence avec Eric Dolphy et ça se termine sur une chanson de Laurent Voulzy. Grand écart ? Au fond, non.

En décidant d’enregistrer un second volume de ses « Essais » (dont le titre doit pouvoir s’entendre autant comme un clin d’œil à Montaigne que comme une manière subtile de désigner le caractère toujours incertain de l’improvisation), Pierre de Bethmann envisage l’abord du répertoire sans a priori, considérant le matériau musical sans autre forme de hiérarchie que la valeur de ses mélodies, la plasticité harmonique, l’élasticité rythmique. Car si l’on peut se retrouver au fil du disque en bien des lieux familiers, la plupart des « standards » qu’il revisite ne font pas partie du répertoire commun des jazzmen, et une bonne part de l’effet de surprise vient de ses choix – ici une mélodie de Ravel, là une chanson brésilienne, ailleurs une reprise du Chant des Partisans –, qui soumettent au jeu de la réinvention des thèmes qu’on n’a pas l’habitude de voir traités comme tels. Loin d’être une fin en soi, toutefois, ces interprétations sont l’occasion pour le pianiste de développer l’exercice de ses capacités d’improvisateur, phrasé assuré qui se refuse aux effets faciles, articulation précise qui souligne la courbure nette de ses séquences mélodiques, vivacité rythmique qui, dans l’espace du trio dynamique qu’il forme avec Sylvain Romano et Tony Rabeson, carène l’ensemble de ses solos. L’essai est plus que transformé.

VB

Aléa (distribution Socadisc).

A propos de l'événement

Pierre de Bethmann
du vendredi 2 février 2018 au samedi 3 février 2018
Sunset-Sunside


60 Rue des Lombards, 75001 Paris, France
à 21h30. Tél. 40 26 46 60. Places : 25 €

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