La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Philippe Minyana

Philippe Minyana - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mars 2008

L’ordinaire des jours

Mise en scène par Florence Giorgetti au Théâtre du Rond-Point, Voilà explore les rituels du quotidien. A travers cette partition construite autour du thème de la visite, l’auteur Philippe Minyana se propose d’orchestrer le bruit du monde.

Pourriez-vous caractériser ce qui constitue, de façon fondamentale, votre territoire d’écrivain ?

Philippe Minyana
: Je crois que mon théâtre se fonde de façon essentielle sur « l’écrit », avant de parler « d’histoire » ou même de « sujet ». Chacune de mes pièces représente un nouveau laboratoire d’écriture. Un laboratoire qui donne naissance à ce que l’on peut appeler un théâtre du réel, ce qui ne veut pas dire un théâtre réaliste mais bien un théâtre qui tente de reconstituer le réel, de prélever dans le quotidien des zones qui sont universelles et familières.
 
Cet ancrage dans l’écriture est-il, pour vous, ce qui vous définit en tant qu’auteur de théâtre ?

Ph. M.
: Oui. Pour moi, être écrivain de théâtre, c’est se situer dans « l’écriture théâtrale ». C’est faire son choix, choisir son camp par rapport aux multiples possibles de l’écrit. Même si c’est moins visible dans Voilà, j’ai choisi d’orienter mon travail en direction du métissage — c’est-à-dire d’un théâtre qui côtoie le récit, le poème, la ritournelle… —, en direction de formes qui ne font pas nécessairement apparaître le nom des personnages à gauche de la page avec, à côté, des répliques qui leur correspondent. Ce que j’écris aujourd’hui est le fruit d’un cheminement de 30 ans, la somme de toutes les zones poreuses qui m’influencent et sont mon carburant : mes lectures, par exemple. Car je suis un grand lecteur, notamment des écrivains du Grand Nord, de la Scandinavie. Je suis très sensible au mélange d’ordinaire et de merveilleux que révèlent ces écrits.
 
Envisagez-vous le théâtre comme l’une des formes naturelles de la littérature ?

Ph. M.
: Dans la mesure où l’écriture théâtrale garde ses portes grandes ouvertes, je pense en effet qu’il s’agit d’une forme de littérature. En revanche, les pièces qui se limitent à faire se succéder et se répondre des répliques ping-pong font, elles, assez rarement œuvre. Je crois qu’il faut ouvrir le plus amplement possible les champs d’explorations du théâtre.
 
« Chacune de mes pièces représente un nouveau laboratoire d’écriture. »
 
C’est en procédant à cette ouverture que l’art dramatique rejoint la littérature, en racontant le monde tel que le « poète » le voit, en construisant une aventure de l’écriture plutôt qu’en ne traitant que d’un seul sujet, en ne faisant appel qu’à l’affect, qu’à la morale, qu’à la compassion… Et puis, il me semble que l’écriture théâtrale, en tant que littérature, doit également questionner la représentation, proposer au metteur en scène un domaine d’investigation très vaste, très libre, très ouvert.
 
Quel est le point de départ de l’écriture de Voilà ?

Ph. M.
: C’est une commande de Jean-Michel Ribes pour le Théâtre du Rond-Point, ce qui est assez rare pour être salué. La seule demande qu’il m’ait d’ailleurs formulée était que ce soit une comédie qui comprenne, au maximum, quatre personnages. Ceci en ajoutant que Fin de Partie de Beckett est une comédie, ce qui ouvrait bien sûr assez largement le champ des réponses possibles. J’ai donc choisi de traiter le thème de la visite qui — avec celui des retrouvailles et des réconciliations — me hantait depuis de nombreuses années. Je me suis dit que j’allais reconstituer les paroles liées au rituel de la visite du dimanche, que j’allais construire une partition de mots quotidiens en orchestrant le bruit du monde.
 
Ceci à travers cinq séquences…

Ph. M.
: Oui, cinq séquences qui rendent compte des coq-à-l’âne, des aveux, des crises, des fous rires…, tout ce qui constitue la matière de ces moments au cours desquels on rend visite à quelqu’un. Avec des répétitions : le temps avance, les figures ne sont pas les mêmes au début et à la fin de la pièce. Voilà, c’est en fait : « voilà ce qui se passe dans ces circonstances-là ». Il s’agit d’un texte existentiel, qui renvoie à nos comportements, qui se propose de faire l’état des lieux de l’humain : qu’est-ce que l’on dit, comment on est… Cette pièce met ainsi en partition l’ordinaire des jours, les rapports familiers, les attitudes des individus. Finalement, à travers des matrices et des périples divers, je crois que toute œuvre de théâtre, plus globalement toute œuvre de littérature, contribue à montrer, à caractériser comment l’humain « est » à un certain moment.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Voilà, de Philippe Minyana ; mise en scène de Florence Giorgetti. Du 18 mars au 25 avril 2008. Du mardi au samedi à 21h00, le dimanche à 15h30. Relâche les lundis et le dimanche 23 mars. Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Réservations au 01 44 95 98 21 et sur www.theatredurondpoint.fr

Reprise le 29 avril 2008 à L’Athanor – Scène nationale d’Albi, le 6 mai au Théâtre de Cahors, du 13 au 17 mai au Théâtre 95 de Cergy-Pontoise, les 20 et 21 mai au Manège – Scène nationale de La Roche-sur-Yon.

A propos de l'événement


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