La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Phèdre ou de la Beauté

Phèdre ou de la Beauté - Critique sortie Théâtre Nanterre LA FORGE
Légende photo : Patrick Schmitt, interprète de Phèdre et Socrate.

La Forge / de Platon / conception, adaptation et interprétation Patrick Schmitt / mes Emmanuelle Meyssignac

Publié le 25 janvier 2013 - N° 206

Patrick Schmitt réalise une performance en interprétant le jeune Phèdre et Socrate : un dialogue qui met en lumière la philosophie platonicienne, mais aussi la puissance du langage. 

Préférer l’amant ou le prétendant sans amour ? C’est la question débattue dans Phèdre de Platon, dialogue entre le jeune Phèdre et Socrate, où s’expose la philosophie platonicienne, où la dialectique s’affirme contre la rhétorique, soit l’art « de conduire les âmes par la parole ». Phèdre vient de sortir du cours de Lysias, subjugué par son prodigieux discours qui démontre qu’il vaut mieux « accorder ses faveurs à un homme qui n’aime pas, plutôt qu’à un homme amoureux. » Il rencontre Socrate qui va progressivement mettre en lumière l’impudence du discours de Lysias, à travers plusieurs étapes qui cumulent leurs effets et leurs arguments : d’abord un premier discours sur le même sujet que celui de Lysias, où Socrate se présente voilé – par la honte -, et un second enfin révélateur, palinodie offerte à Eros, où il fait l’éloge de la folie amoureuse, d’essence divine. Socrate enfin dénigre les rhéteurs qui se détournent de la quête du Vrai. Le  philosophe explique le système des réminiscences, dépeint l’âme humaine dans la célèbre allégorie du char ailé avec son attelage disparate – un cheval attaché au Vrai et au Beau, l’autre à l’impétuosité et la violence, et le cocher. La passion des discours anime Phèdre comme Socrate, et cela est d’autant plus vrai que les discours se définissent ici comme des tentatives de séduction ! Lysias a cherché explicitement à conquérir Phèdre, et Socrate très habile et astucieux en contrant Lysias cherche à séduire le bel enfant.

Les méandres de l’amour

Comment porter à la scène une telle œuvre ? Car les ressorts dramatiques de la rivalité entre Lysias et Socrate et de la relation de séduction entre Phèdre et Socrate ne peuvent assurer l’intérêt de la représentation. C’est bien sûr la teneur du dialogue qui prime. Patrick Schmitt réalise une véritable performance en choisissant justement d’interpréter les deux protagonistes, sans être dans une véritable incarnation, mais plutôt dans une subtile et précise caractérisation par le geste et la parole, permettant au spectateur de saisir toutes les aspérités du dialogue, non dénué d’humour… et de sensualité. Le comédien lit la didascalie inaugurale avant de prendre possession des personnages, sur un plateau nu, dans un costume intemporel, n’oubliant pas de mettre à jour tout le piquant de l’échange. Cette performance mise en scène par Emmanuelle Meyssignac est à saluer d’autant plus que la philosophie platonicienne et ses dimensions allégorique et mythologique peuvent paraître déconnectées de notre réel et de nos psychologies. En ce soir de première, une classe de Maths Spé, où l’œuvre est au programme, assiste à la représentation. Les méandres de l’amour,  la quête de la vérité à travers le langage, les contradictions de l’âme humaine : des thèmes universels que la philosophie éclaire. Un tremplin pour le déclenchement d’une maïeutique !

Agnès Santi

A propos de l'événement

Phèdre ou de la Beauté
du mercredi 23 janvier 2013 au dimanche 10 février 2013
LA FORGE
17-19 rue des Anciennes Mairies, 92000 Nanterre

Du 23 janvier au 10 février, du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Tél : 01 47 24 78 35. Durée 1h20.
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