L’A-Démocratie de Nicolas Lambert
Nicolas Lambert présente son triptyque [...]
L’émotion est portée à son comble avec cette mise en scène, signée Christian Huitorel, de l’une des plus grandes pièces tragiques du répertoire classique. Cette « Phèdre », éminemment vraisemblable, est un vrai régal.
Quand la mise en scène d’un grand classique s’attache simplement à renouer avec l’idéal du classicisme, elle rencontre nécessairement son extraordinaire modernité. Cette coïncidence merveilleuse et rare, paradoxale, dont le premier des effets est de parvenir à toucher réellement le spectateur, ici et maintenant, est très exactement ce que donne à vivre cette « Phèdre » racinienne portée sur les planches par le directeur de la Compagnie Appellation Théâtre Contrôlée, Christian Huitorel. Fidèle à la règle primordiale qu’il s’est à lui-même donnée, celle de « créer un présent vraisemblable », mu par la volonté sensible « d’empêcher le spectateur de se souvenir qu’il est au théâtre en lui donnant l’illusion qu’il est le témoin d’une action véritable », il parvient à ses fins avec une remarquable économie de moyens ; tout – et c’est peu de le dire – reposant sur la direction d’acteurs invités à parler la langue de l’alexandrin comme si elle était celle de tous les jours. Le poème tragique gagnant en limpidité laisse le champ libre à l’expression des sentiments exacerbée par le sublime de la versification. Se souvenant de l’injonction de l’auteur concernant le décor – «une chaise et rien d’autre » -, la scénographie, dans son austérité recherchée, se ramène à une table-banc rectangulaire posée au centre d’un plateau tendu de rideaux noirs.
Une merveilleuse simplicité
Cet écrin est un palais. Par la seule force de leur interprétation, les comédiens permettent au spectateur de se l’approprier comme tel. Caroline Frossard dans le rôle de Phèdre porte l’incandescence de l’héroïne, sa folle lucidité, ses tourments coupables et sa furie jalouse, avec une sincérité qui laisse pendu à ses lèvres. Mathias Casartelli (Thésée), Ugo Pacitto (Hyppolyte), Chantal Trichet (Oenone), Nathalie Veneau (Ismène), Juliette Boudet (Aricie), Christian Huitorel (Théramène), tous, servant avec une modestie qui les honore, le rôle dont ils sont investis, s’emploient à faire exister cette « synthèse harmonieuse du merveilleux et du vraisemblable » sans laquelle il n’y a point de tragédie. La simplicité des costumes emprunte à la mythologie de la science-fiction, celle d’un entre-deux mondes atemporel, entrechoc entre le passé et le futur. On ne saurait dire à quel point il y aurait intérêt à ce que ce spectacle soit vu par le plus grand nombre – et notamment par les plus jeunes d’entre nous qui attendent peut-être encore d’être émus par un grand texte classique – quand il ne reste qu’une date, à cette heure, pour le découvrir.
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Dimanche 20 janvier à 16h. Durée : 2h. Tél : 01 39 69 03 03
Nicolas Lambert présente son triptyque [...]