La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Phèdre de Jean Racine mes Christian Huitorel

Phèdre de Jean Racine mes Christian Huitorel - Critique sortie Théâtre Bougival Théâtre du Grenier de Bougival
Caroline Frossard (Phèdre) et Mathias Casartelli (Thésée) ©Cédrick Lanoë

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

L’émotion est portée à son comble avec cette mise en scène, signée Christian Huitorel, de l’une des plus grandes pièces tragiques du répertoire classique. Cette « Phèdre », éminemment vraisemblable, est un vrai régal.

Quand la mise en scène d’un grand classique s’attache simplement à renouer avec l’idéal du classicisme, elle rencontre nécessairement son extraordinaire modernité. Cette coïncidence merveilleuse et rare, paradoxale, dont le premier des effets est de parvenir à toucher réellement le spectateur, ici et maintenant, est très exactement ce que donne à vivre cette « Phèdre » racinienne portée sur les planches par le directeur de la Compagnie Appellation Théâtre Contrôlée, Christian Huitorel. Fidèle à la règle primordiale qu’il s’est à lui-même donnée, celle de « créer un présent vraisemblable », mu par la volonté sensible « d’empêcher le spectateur de se souvenir qu’il est au théâtre en lui donnant l’illusion qu’il est le témoin d’une action véritable », il parvient à ses fins avec une remarquable économie de moyens ; tout – et c’est peu de le dire – reposant sur la direction d’acteurs invités à parler la langue de l’alexandrin comme si elle était celle de tous les jours. Le poème tragique gagnant en limpidité laisse le champ libre à l’expression des sentiments exacerbée par le sublime de la versification. Se souvenant de l’injonction de l’auteur concernant le décor – «une chaise et rien d’autre » -, la scénographie, dans son austérité recherchée, se ramène à une table-banc rectangulaire posée au centre d’un plateau tendu de rideaux noirs.

Une merveilleuse simplicité

 Cet écrin est un palais. Par la seule force de leur interprétation, les comédiens permettent au spectateur de se l’approprier comme tel. Caroline Frossard dans le rôle de Phèdre porte l’incandescence de l’héroïne, sa folle lucidité, ses tourments coupables et sa furie jalouse, avec une sincérité qui laisse pendu à ses lèvres. Mathias Casartelli (Thésée), Ugo Pacitto (Hyppolyte), Chantal Trichet (Oenone), Nathalie Veneau (Ismène), Juliette Boudet (Aricie), Christian Huitorel (Théramène), tous, servant avec une modestie qui les honore, le rôle dont ils sont investis, s’emploient à faire exister cette « synthèse harmonieuse du merveilleux et du vraisemblable » sans laquelle il n’y a point de tragédie. La simplicité des costumes emprunte à la mythologie de la science-fiction, celle d’un entre-deux mondes atemporel, entrechoc entre le passé et le futur. On ne saurait dire à quel point il y aurait intérêt à ce que ce spectacle soit vu par le plus grand nombre – et notamment par les plus jeunes d’entre nous qui attendent peut-être encore d’être émus par un grand texte classique – quand il ne reste qu’une date, à cette heure, pour le découvrir.

 

Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens

A propos de l'événement

Phèdre de Jean Racine mes Christian Huitorel
du vendredi 18 janvier 2019 au dimanche 20 janvier 2019
Théâtre du Grenier de Bougival
7, rue du Général Leclerc, 78 380 Bougival.

Dimanche 20 janvier à 16h. Durée : 2h.  Tél : 01 39 69 03 03

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