La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Je m’appelle Ismaël, par Lazare

Je m’appelle Ismaël, par Lazare - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg
© Jean-Louis Fernandez je m’appelle ismael

Écriture et mes Lazare

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

Après Sombre rivière (2017), où il conjurait en musique et en poésie la violence des attentats de 2015, Lazare poursuit sa réflexion sur la brutalité du monde. Autour de la figure d’un poète errant, il dit son refus d’un monde homogénéisé. Fermé à l’Autre.

Avec Petits contes d’amour et d’obscurité puis Sombre rivière, vous vous éloigniez de la veine autofictive développée dans votre trilogie racontant l’histoire d’une famille entre France et Algérie. Qu’en est-il dans Je m’appelle Ismaël ?

Lazare : Après les attentats, j’ai ressenti le besoin de prendre de la distance par rapport à mes émotions. Par rapport au spectre de l’Algérie et à tout ce dont je parle depuis Rabah Robert (2012). Dans Sombre rivière, j’ai pour cela créé une sorte de clown qu’on retrouve dans Je m’appelle Ismaël, dont le personnage principal – que j’incarne – est un poète errant qui s’ignore et qui, pour se protéger de la violence du monde, projette de faire un film de science-fiction. Mais qui n’a pas les moyens de réaliser son rêve…

Quel statut a chez vous l’image, que vous avez utilisée pour la première fois dans votre précédente création ?

L : Je me méfie de l’image, et je veux que cette méfiance apparaisse dans le spectacle. On a tendance à attendre une vérité de l’image, alors qu’elle n’est que construction. En même temps, elle est fascinante car elle permet d’inviter des absents sur le plateau. L’absence, la solitude et le manque sont au cœur de mon travail. Dans Je m’appelle Ismaël, j’ai voulu dire l’isolement des grandes villes. Leur violence.

« Les visages des acteurs sont pour moi des paysages. Et leur corps doit être un corps qui pense. »

On retrouve dans cette pièce plusieurs de vos complices de longue date, comme la comédienne Anne Baudoux, l’acteur et musicien Olivier Leite ou encore Marion Faure, votre collaboratrice artistique. Le théâtre est-il pour vous un remède à cette solitude ?

L : Après de longues périodes de travail solitaire – j’ai écrit plus de 800 pages, pour Ismaël –, travailler avec mon équipe me permet de partager mon imaginaire et de l’enrichir avec les propositions de chacun. Les visages des acteurs sont pour moi des paysages. Et leur corps doit être un corps qui pense. Qui puisse dire la folie du monde. Je suis toujours heureux de retrouver des artistes complices, mais aussi de m’ouvrir à de nouvelles personnes. Au comédien Thibault Lacroix en l’occurrence, qui m’a fait aimer Gérard de Nerval, ainsi qu’à la musicienne Odile Heimburger qui apporte pour la première fois une touche lyrique à mon univers.

Par cette ouverture, vous reformulez chaque fois l’idée d’étrangeté qui traverse votre théâtre. Pourquoi ?

L: Si l’on comprend qu’Ismaël est d’origine étrangère, c’est surtout son rapport au monde qui fait sa singularité. Son goût pour la poésie dans un monde où les croyances d’un côté, de l’autre les nouvelles technologies, ont tendance à figer les individus. Je tiens à montrer une forme de porosité, de circulation entre des groupes différents, car la question de l’« identité » ou de l’« intégration » doit dépasser celle des origines.

 Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Je m’appelle Ismaël, par Lazare
du mercredi 27 février 2019 au samedi 9 mars 2019
Théâtre National de Strasbourg
1 avenue de la Marseillaise, 67000 Strasbourg

tous les jours à 20h, sauf samedi 9 à 16h. Tél : 03 88 24 88 24. Également du 21 mars au 1er avril au Théâtre de Gennevilliers, le 3 mai au Liberté, Scène nationale de Toulon, du 4 au 8 juin au Théâtre de la Ville – Paris…

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