La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Peer Gynt (premier voyage)

Peer Gynt (premier voyage) - Critique sortie Théâtre Montluçon Le Fracas
© Jean-Louis Fernandez

Le Fracas / de Henrik Ibsen / mes Johanny Bert

Publié le 23 novembre 2015 - N° 238

Poursuivant son travail autour de l’identité, Johanny Bert, directeur du Centre Dramatique National de Montluçon, crée Peer Gynt (premier voyage), pièce-monde et quête éperdue traversant divers espaces et époques. Avec dix acteurs et une foule de formes marionnettiques manipulées à vue, il embarque les spectateurs dans une exploration concrète de tous les possibles du rêve – et du théâtre.

Quel est le parcours de Peer Gynt ?

Johanny Bert : Jeune homme, Peer Gynt vit avec sa mère dans une petite maison paysanne. Mû par un ardent désir de conquérir le monde, il veut quitter la ferme familiale, et ce désir d’ascension et d’ailleurs l’emporte vers le mensonge, le fantasme, l’imaginaire. Jusqu’à la vieillesse et la fin, il vit une foule d’aventures et d’épopées fantastiques traversant les époques et les sociétés, et se faisant écho les unes aux autres. Peer est un personnage-monde à la recherche de son identité. Je le vois comme une sorte d’avaleur de temps, de grand ordonnateur, poète et affabulateur. La pièce commence ainsi : « Peer, tu mens ! » dit sa mère, et lui réplique : « Non, je ne mens pas ! Puis : « Tout est vrai. ». C’est donc une belle métaphore du théâtre qui inaugure la pièce, qu’Ibsen qualifiait de “poème dramatique“, et qu’il n’imaginait pas mise en scène mais racontée au rythme de la musique de Grieg. Qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui est fantasmé ? Peer est le démiurge d’un petit peuple qu’il met en jeu, mais il est aussi manipulé, dévoré par son histoire, par ce qu’il invente et crée. La question de la représentation est ici une formidable énigme à résoudre, pour le metteur en scène, les acteurs, décorateurs, plasticiens…

« J’aime cette relation où l’acteur donne sa voix, son énergie, son attention à la marionnette. »

Comment vous êtes-vous emparé de cette question de la représentation ?

J. B. : Pour cette création, contrairement au cadre inspiré du castelet que j’utilise habituellement, je voulais travailler sur le grand plateau du Fracas, sur un espace vide où se mêlent humains et pantins. Cette pièce nous permet de travailler de façon approfondie la relation entre animé et inanimé, entre acteur et forme marionnettique. J’aime cette relation où l’acteur donne sa voix, son énergie, son attention à la marionnette. Le texte est mis en jeu et mis en forme par cette relation, nous réinterrogeons et réinventons la forme en fonction de la dramaturgie de chaque séquence. Le langage crée le voyage rythmé par ses métamorphoses. Avec ma collaboratrice Amandine Livet, qui signe la scénographie, nous jouons avec les rapports d’échelles et de matières, où apparaissent des visages, et des corps fragmentés, disproportionnés… Nous fabriquons aussi à l’occasion de ce spectacle de grandes marionnettes inspirées par les marionnettes bunraku.

Quelle place a cette mise en scène au sein de votre propre parcours ?

J. B. : Le choix des spectacles est toujours relié à des choses très personnelles. Au moment où je suis arrivé à la direction du Fracas en 2012, j’étais en recherche d’une forme d’identité artistique et mes lectures convergeaient presque toutes vers le thème de l’identité. Texte mythique, Peer Gynt me parle très intimement dans le fond et dans la forme. Le choix de le mettre en scène s’est imposé, et j’ai tenu à le monter en entier, à prendre le temps de sa fabrication. Nous réalisons donc ce premier spectacle autonome sur les trois premiers actes, et je suis en recherche de productions pour créer le second volet, avec la même équipe. C’est un vaste projet ! Le ministère souhaitait cette année me reconduire à la direction du Fracas, que j’aime vraiment diriger, mais j’ai choisi d’arrêter. Avant de passer le relais à Carole Thibaut, la nouvelle directrice, j’ai voulu dire au revoir aux gens avec cette pièce de troupe qui parle du théâtre, cet acte de création qui est un commencement et un passionnant territoire de recherche.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Peer Gynt (premier voyage)
du jeudi 10 décembre 2015 au lundi 14 décembre 2015
Le Fracas
Montluçon, France

Tél : 04 70 03 86 18. Le Préau, CDR de Vire, le 17 décembre. Tél : 02 31 66 16 00.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre