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Opéra - Critique

« Peer Gynt » par Olivier Py : Ibsen retrouve Grieg dans un spectacle hybride manifeste

« Peer Gynt » par Olivier Py : Ibsen retrouve Grieg dans un spectacle hybride manifeste - Critique sortie Classique / Opéra Paris Théâtre du Châtelet
Thomas Amouroux - Peer Gynt mis en scène par Olivier Py

Critique / Théâtre du Châtelet / Théâtre musical

Publié le 10 mars 2025 - N° 330

Olivier Py présente une adaptation en français de Peer Gynt, donnée avec la musique de scène de Grieg, dans un esprit de troupe qui restitue le jubilatoire foisonnement de la pièce autour de l’incarnation très physique du rôle-titre par Bertrand de Roffignac.

Emblème de la littérature scandinave, Peer Gynt est pourtant rarement donné sous la forme d’« opéra parlé » tel que l’avait conçu Ibsen quand il a accepté de présenter au théâtre, avec une partition de Grieg, ce drame destiné d’abord à être lu. Pour le premier spectacle qu’il met en scène au Théâtre du Châtelet depuis qu’il en a pris la direction, Olivier Py réussit le pari d’adapter en français la multiplicité des registres de la pièce, avec une traduction conçue pour la vitalité du plateau et qui s’appuie d’abord sur la dynamique prosodique. Le dramaturge français s’approprie avec gourmandise de ce mélange quasi baroque des genres, où le lyrisme et la tendresse côtoient le trivial et la satire métaphysique. Ce foisonnement s’affirme avec l’histrionisme reconnaissable du comique d’Olivier Py dans le tableau d’ouverture ou celui du mariage d’Ingrid. Mais la palette expressive s’étend bien au-delà de ces excès de théâtralité un peu attendus. Revendiquant la filiation du noir Soulages, les panneaux de toiles de Pierre-André Weitz aux allures d’eaux-fortes évoquent tantôt un paysage de peinture néerlandaise du XVIIème siècle, tantôt une lanterne magique animée de figures fantastiques.

La vérité par l’affabulation

Entre les cabanes en bois, les tréteaux chamarrés du roi des trolls et les lumières calibrées par Bertrand Killy, la crédibilité du récit s’accomplit dans les paraphrases sollicitant l’imaginaire du spectateur, au milieu desquelles s’épanouit le jeu très physique de Bertrand de Roffignac dans le rôle-titre, aussi investi dans l’affabulation du verbe que dans celle de la pantomime. À travers l’exagération de l’artifice, le comédien révèle la vérité et l’humanité profondes du personnage : au dénuement face à la mort de sa mère répond celui de l’anti-héros, qui, au soir de sa vie, ferme les yeux bercé par le chant mélancolique de Solveig. Les figures qui gravitent autour de Peer sont incarnées dans un esprit de troupe polyvalente où l’on retrouve Olivier Py lui-même aux côtés de fidèles, parmi lesquels se reconnaît la préciosité truculente de Damien Bigourdan, ou encore le fruité mutin de Clémence Bourgoin en Anitra. Mentionnons encore la fragilité de Solveig, résumée par Raquel Camarinha, qui contraste avec les accents râpeux de Céline Chéenne en Aase, la mère Gynt. En fond de plateau, l’Orchestre de chambre de Paris, sous la baguette d’Anu Tali, met en perspective les couleurs de la musique de Grieg dans ce retour à la joyeuse hybridation originelle de Peer Gynt.

Gilles Charlassier

A propos de l'événement

Peer Gynt
du vendredi 7 mars 2025 au dimanche 16 mars 2025
Théâtre du Châtelet
1 place du Châtelet, 75001 Paris

Du 7 au 15 mars à 19h, les 9 et 16 mars à 15h, relâche le lundi 10 mars. Durée : 3h40 avec un entracte. Tél. : 01 40 28 28 40.

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