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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Par-delà les marronniers – Revu(e)

Par-delà les marronniers – Revu(e) - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Crédit : Giovanni Cittadini Cési

Par-delà les marronniers – Revu(e)

Publié le 22 février 2016 - N° 241

Plus de quarante ans après avoir créé ce spectacle-hommage aux dadaïstes Jacques Vaché, Arthur Cravan et Jacques Rigaut, Jean-Michel Ribes signe une nouvelle version de Par-delà les marronniers – Revu(e)*. Une proposition théâtro-musicale en forme de réponse à la pesanteur du temps présent.

Qu’est-ce qui vous a amené à envisager la recréation de cette revue, présentée dans une première version en 1972 ?

Jean-Michel Ribes : C’est la période dans laquelle nous vivons. Les trois hommes que veut saluer ce spectacle – qui sont Jacques Vaché, Arthur Cravan et Jacques Rigaut – étaient des personnalités pour le moins oxygénantes. C’étaient des résistants à la barbarie de la civilisation. Et aujourd’hui, je trouve que nous vivons dans une époque très anesthésiée, dans une société qui ploie sous le poids de la morale définitive… J’ai donc eu envie, à travers ces trois dadaïstes, qui étaient presque des pré-dadaïstes, de dessiner des issues de secours. C’est aussi une façon de les mettre en lumière, car ils ne sont finalement pas très connus. Ils ont pourtant creusé, comme le disait Aragon, des galeries vers le ciel. Ils ont assumé l’insolence d’être. Et je trouve qu’en ce moment, dans cette période où personne ne veut abandonner le XXème siècle pour passer au XXIème, cette période où l’on ne cesse de se référer aux vieux systèmes, ces trois hommes sont comme des éclats faisant apparaître des horizons nouveaux, des utopies qui, peut-être, finiront par ne pas mourir. Et puis, ce spectacle est aussi un salut à mes amis de Charlie Hebdo qui se sont fait tuer car ils avaient cette insolence-là, cette liberté d’être et de penser.

« Par-delà les marronniers – Revu(e) est une sorte de grand cadavre exquis, mais vivant ! »

Pouvez-vous rappeler qui étaient ces trois personnalités ?

J.-M. R. : Arthur Cravan (ndlr, 1887-1918) était le neveu d’Oscar Wilde. C’était un boxeur et un poète, un poète boxeur, un personnage sublime de révolte contre tout. Il était de ces personnes qui se sont dit qu’après 2500 ans de civilisation, si c’est pour en arriver aux millions de mort de la Première Guerre mondiale, il valait mieux tout casser. Jacques Vaché (ndlr, 1995-1919), lui, a appartenu, très jeune, à un groupe de gens qui écrivaient une revue littéraire. Il dessinait aussi très bien. C’était un dandy qui, après avoir été blessé à la guerre, a écrit vingt-quatre lettres à un interne en neurologie qui s’appelait André Breton. Et ces vingt-quatre lettres ont fait d’André Breton ce qu’il est devenu. Elles l’ont littéralement illuminé. L’inventeur du surréalisme a dit plus tard que Jacques Vaché avait été l’homme le plus important de sa vie. Quant à Jacques Rigaut (ndlr, 1898-1929), c’était une sorte de prince du néant. Il était secrétaire du peintre Jacques-Emile Blanche et ne supportait la vie qu’à partir du moment où il la regardait de très loin. Seul le luxe l’amusait un peu. Il a épousé une très riche Américaine et a fini par se tirer une balle dans le cœur.

Ces trois hommes ont été trois poètes sans œuvre…

J.-M. R. : Oui, trois poètes sans œuvre qui ont passé leur temps à tout remettre en question. Leur vie a été une courageuse, une brillante, une inventive et oxygénante résistance contre la tyrannie des certitudes. Ils ont su cultiver une véritable liberté de la différence, celle de penser ailleurs et autrement.

 Considérez-vous l’univers du « rire de résistance », que vous défendez au Théâtre du Rond-Point, comme une sorte de descendant du dadaïsme?

J.-M. R. : Vous savez, quand j’ai commencé à faire du théâtre, dans le milieu des années 1960, si l’on n’était pas brechtien, on n’était pas considéré comme pouvant être reçu dans le monde de l’art et de la culture. Or moi, je faisais partie d’un groupe composé de Copi, Roland Topor, Fernando Arrabal, Jérôme Savary… Nous pratiquions une forme de résistance à cette ligne majoritaire. Nous étions donc, d’une certaine façon, des cousins éloignés des dadaïstes : nous faisions partie de la famille ! Et en effet, si l’on repense à ce que j’ai fait plus tard à la télévision, à Merci Bernard ou à Palace, et également, comme vous le mentionnez, à la programmation du Théâtre du Rond-Point, on ne se situe pas très loin des folies dadaïstes !

Comment souhaitez-vous rendre compte, dans votre spectacle, de cet esprit de folie et de liberté ?

J.-M. R. : Ce spectacle est monté dans l’insolence d’une revue de music-hall des années 1920. Il ne s’agit absolument pas de faire des biopics. C’est une espèce de rêverie autour de ces trois homme, une mosaïque en cinq tableaux : la guerre, l’amour, l’art, l’ennui et la mort. Par-delà les marronniers – Revu(e) est, en fait, une sorte de grand cadavre exquis, mais vivant !

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

* Texte publié aux Editions Actes Sud – Papiers.

A propos de l'événement

Par-delà les marronniers – Revu(e)
du mardi 15 mars 2016 au dimanche 24 avril 2016
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

à 20h30. Les dimanches à 15h. Relâche les lundis, ainsi que les 20 et 27 mars. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr.

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