La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Eugenio Barba / Venue exceptionnelle de l’Odin Teatret à Paris

Eugenio Barba / Venue exceptionnelle de l’Odin Teatret à Paris - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Soleil
Crédit photo : Rina Skeel

Théâtre du Soleil / Dans le squelette de la baleine et Les Grandes Villes sous la lune / Mise en scène et dramaturgie d’Eugenio Barba

Publié le 22 février 2016 - N° 241

Evénement ! Le Soleil accueille le septentrion ! Pour la quatrième fois, la troupe de l’Odin Teatret s’installe à la Cartoucherie, à l’invitation d’Ariane Mnouchkine. Deux spectacles au programme, ainsi qu’une master class, des stages et des démonstrations-spectacles. Autant de rendez-vous à ne pas manquer !

« Pour moi le théâtre est une micro-culture. »

 Pourquoi avoir choisi ces deux spectacles pour ce nouveau séjour à Paris ?

Eugenio Barba : Ce sont deux spectacles radicalement différents. Les Grandes Villes sous la lune ancre sa force expressive dans l’immobilité ; Dans le squelette de la baleine a une structure dramaturgique soudée par un rythme dynamique ; l’un développe une nouvelle de Kafka, l’autre s’appuie sur une trame suggestive de textes poétiques qui évoquent des situations lyriques ou tragiques sous diverses latitudes. L’un se fonde sur une communication directe, l’autre est une réflexion affective sur l’histoire ; l’un se déroule sur une scène à l’italienne ; l’autre sur une scène-fleuve où les spectateurs se font face sur les deux berges du fleuve. Dans leur diversité on retrouve les caractéristiques formelles et dramaturgiques des acteurs de l’Odin Teatret et de leur metteur en scène.

Que raconte et que nous dit Dans le squelette de la baleine ?

E. B. : Un paysan arrive à la ville et demande à être admis devant la Loi. A la porte, le gardien lui demande gentiment d’attendre. Le paysan, docile, attend sa vie durant. La nouvelle de Kafka est courte, à peine deux pages. Sa simplicité et sa profondeur symbolique semblent exclure toute adaptation théâtrale. S’agissant de littérature, il suffit d’écrire « attendre ». Mais au théâtre comment montrer l’attente ? Qu’est-ce qui la caractérise en termes d’actions, d’états d’âme, de pensées de révolte et d’insensibilité ? Seul un spectacle théâtral est capable de l’exprimer à travers le silence et la présence sonore de l’acteur.

Il y aura de la fête, de la pédagogie, des rencontres autour des spectacles. Pourquoi ?

E. B. : Pour moi le théâtre est une micro-culture. Ce qui distingue une culture ce sont des valeurs, des connaissances et un savoir-faire technique qui assurent sa survie, et enfin sa capacité à les transmettre. Si notre technique permet de créer des spectacles qui ont un sens pour nous-mêmes et pour nos spectateurs, qui la jugent selon des critères artistiques, la transmission de cette technique est, elle aussi, indispensable dans la culture de l’Odin Teatret. Nos spectacles sont toujours accompagnés de situations pédagogiques, de démonstrations de travail, de trocs, de rencontres, de célébrations. Si le théâtre est une rencontre, celle-ci doit se manifester à tous les niveaux qui le constituent.

Votre aventure est celle d’un théâtre collectif, bâti dans la patience et le temps. Quel bilan aujourd’hui ?

E. B. : Les difficultés résident avant tout dans la dynamique du groupe : comment stimuler chacun des acteurs qui ont travaillé ensemble depuis si longtemps, et réussir à s’inventer des « séismes » pour savoir se renouveler, tout en restant fidèles aux motivations de notre origine professionnelle. Les joies, ce sont essentiellement la découverte des traces que nous avons laissées chez nos spectateurs. Pour certains d’entre eux, la rencontre avec l’Odin a changé leur vie. Le prix saute aux yeux : un engagement qui n’a pas de fin. Pour chacun de ceux qui composent le groupe de théâtre, quel effort de tous les instants pour maintenir vivantes les motivations de sa jeunesse en dépit des modes, des railleries, de l’indifférence de l’entourage ! Pour nous, à l’Odin, ce prix fait de sacrifices et de conquêtes a la saveur d’une double victoire : avoir gardé un noyau de spectateurs fidèles pendant un demi-siècle, et avoir gagné le respect des responsables politiques et des fonctionnaires culturels de la petite ville de Holstebro au Danemark, qui, en dehors de toute obédience idéologique, ont su reconnaître le prestige d’un théâtre fait par des émigrants et des métèques.

Propos recueillis par Catherine Robert (remerciements à Charles-Henri Bradier

A propos de l'événement

Eugenio Barba / Venue exceptionnelle de l’Odin Teatret à Paris
du mercredi 9 mars 2016 au samedi 19 mars 2016
Théâtre du Soleil
75012 Paris, France

Tél. : 01 43 74 24 08. Dans le squelette de la baleine, du 9 au 13 mars 2016. Les Grandes Villes sous la lune, du 16 au 20 mars. Du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30. Rencontre publique, le 8 mars, à 19h (Tél. : 01 43 74 24 08). Stages à ARTA (Cartoucherie), du 9 au 12 mars, de 10h à 14h (Tél. : 01 43 98 20 61), à l’Akuarium (26, rue André-Joineau, 93310 Le Pré Saint-Gervais) du 10 au 12 mars, de 9h à 13h (anne.savage@odinteatret.dk). Master class à ARTA, le 13 mars, de 10h à 14h (Tél. : 01 43 98 20 61). Démonstrations-spectacles, au Théâtre du Soleil, du 17 au 19 mars à 11h (Tél. :01 43 74 88 50). Renseignements sur www.theatre-du-soleil.fr

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