La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Oncle Vania

Oncle Vania - Critique sortie Théâtre Paris Essaïon
Le final d’Oncle Vania. Crédit photo : DR

Théâtre Essaïon / d’Anton Tchekhov / mes Philippe Nicaud

Publié le 25 janvier 2017 - N° 251

La Compagnie Théâtrale Francophone présente une excellente mise en scène d’Oncle Vania, recentrée sur ses cinq protagonistes principaux, que des comédiens éblouissants interprètent avec maestria.

Il faudrait travailler, mais personne ne le peut plus, sauf Sérébriakov, le professeur vaniteux, qui continue de faire semblant, puisqu’il s’est toujours contenté de vivre du labeur des autres… Vania, infatigable régisseur, qui a passé sa vie et sa jeunesse à entretenir le domaine, ne fait plus rien ; Sonia est dépassée par la tâche que lui impose l’incurie rêveuse de son oncle ; Astrov, qui, naguère, soignait les paysans et replantait les forêts, s’épuise à boire et à chanter. La faute à la trop belle Elena, qui a sacrifié sa jeunesse et son talent pour un barbon égoïste et tyrannique, et qui se languit sous les yeux énamourés des hommes qu’il est trop tard pour aimer. Alors on veille, on mange en pleine nuit, on vide les flacons, sans parvenir à l’ivresse oublieuse, on se chicane et on s’agace, on se perd entre étreintes hasardeuses et baisers refusés. Céline Spang et Philippe Nicaud ont arrangé le chef-d’œuvre de Tchekhov en élaguant ses répliques et sa distribution, créant une miniature délicate et précise, qui concentre tout le génie comique et pathétique de cette œuvre géniale. Le travail d’adaptation est magnifiquement ciselé, la mise en scène est remarquable et l’interprétation est lumineuse.

« C’est toujours comme ça, dans la vie ! »

Sur les quelques mètres carrés d’un minuscule espace scénique, les comédiens se tiennent comme s’ils étaient prisonniers de cette maison, où les égarements du cœur font vaciller la raison. Le bureau de Vania, la chambre du professeur, l’atelier d’Astrov et, au milieu, le salon où se croisent ces âmes à l’agonie : tout est à vue et les comédiens ne quittent pas la scène. Quelques accessoires judicieux, des étoffes élégantes et un mobilier transposable, qui suggère les lieux sans jamais alourdir le rythme du passage d’une scène à l’autre : on dirait la vie même ! Céline Spang (Elena), Philippe Nicaud (Astrov), Bernard Starck (Sérébriakov), Marie Hasse (Sonia) et Fabrice Merlo (exceptionnel dans le rôle-titre) sont tous extraordinairement justes, précis, fins, émouvants et drôles. La mise en scène de Philippe Nicaud (qui a également composé la musique et les chansons du spectacle) guide la troupe avec une assurance confondante de naturel. On rit aux répliques les plus cruelles, on est bouleversé par celles qui paraissent les plus anodines, et on est bientôt contaminé par ce vague à l’âme jouissif qui mâtine la mélancolie d’un humour désespéré. L’amour est comme le vif-argent : tous sont fascinés par son éclat, mais aucun ne parvient à s’en saisir. Avec une supérieure élégance et une intelligence remarquable des enjeux dramaturgiques et psychologiques de la pièce, Philippe Nicaud et les siens en offrent une magnifique version.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Oncle Vania
du jeudi 19 janvier 2017 au dimanche 19 mars 2017
Essaïon
6 Rue Pierre au Lard, 75004 Paris, France

Du 19 janvier au 19 mars 2017. Jeudi à 19h30 et dimanche à 18h. Tél : 01 42 78 46 42. Durée : 1h30.

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