La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

On ne sait comment

On ne sait comment - Critique sortie Théâtre Aubervilliers Théâtre de la Commune
Marie-José Malis Crédit : Willy Vainqueur

Entretien / Marie-José Malis
Théâtre de la Commune / de Luigi Pirandello / mes Marie-José Malis

Publié le 28 mars 2016 - N° 242

Les Géants de la montagne, La Volupté de l’honneur, aujourd’hui On ne sait comment : Marie-José Malis ne cesse d’explorer et de réexplorer l’œuvre de Luigi Pirandello. Un théâtre que la directrice du Centre dramatique national d’Aubervilliers juge révolutionnaire.

En début de saison, vous avez repris La Volupté de l’honneur, spectacle que vous aviez créé sous le titre Le Plaisir d’être honnête en 2012. Aujourd’hui, vous présentez On ne sait comment que vous aviez une première fois mis en scène en 2013. Quel sens donnez-vous à ces processus de recréations ?

Marie-José Malis : C’est d’abord la démarche assez simple d’un répertoire de compagnie que l’on est heureux de réactiver. Avant ma nomination à la direction du Théâtre de la Commune, ces créations ont été très peu jouées, comme c’est souvent le cas des créations de compagnies indépendantes. Nous avions donc un sentiment de frustration, parce que ce sont des spectacles que nous aimons. Et puis, pour ma deuxième saison à Aubervilliers, reprendre La Volupté de l’honneur et On ne sait comment, c’était une façon de dire qui j’étais, quel était mon théâtre. Car ces spectacles me constituent, me définissent. Et puis, évidemment, il y a aussi des raisons propres à l’œuvre de Pirandello. Si nous avons eu envie de faire réentendre ces pièces, c’est parce que nous les trouvons géniales. Et finalement assez peu connues…

Comment se réinventent ces spectacles à travers le temps ?

M.-J. M. : Ils évoluent, forcément. Du fait, d’abord, de la façon très littérale dont nous envisageons les espaces dans lesquels nous jouons. Pour moi, reprendre un spectacle, c’est toujours le recréer dans un espace donné, dans une architecture qui impose sa loi. C’est une chose très importante dans le théâtre que je fais. Ce qui est très beau, c’est que lors des reprises, on s’aperçoit qu’il y a des strates des pièces que l’on n’avait pas totalement éclaircies. Et même si l’on reste fidèle à une structure de mise en scène, il est alors nécessaire d’approfondir certaines choses. Les moments que les acteurs ont du mal à ressusciter sont les moments qui sont restés obscurs, artificiels d’une certaine façon. Car il y a des choses qu’ils retrouvent tout de suite – parce qu’elles sont profondes, vivantes – et d’autres qu’ils ont du mal à retrouver : ce qui veut souvent dire qu’elles ne sont finalement pas aussi profondes que l’on pouvait, dans un premier temps, le penser. Une reprise est donc une belle occasion d’aller plus loin. Surtout avec le théâtre de Pirandello, qui est un théâtre très philosophique, très précis, vertigineux… Il n’est vraiment pas trop de deux fois pour l’explorer !

« L’écriture de Pirandello fait exploser la définition de l’humanité, ainsi que celle de la réalité. »

Ce théâtre est traversé par un regard porté sur l’être humain, en tant qu’homme nouveau qui cherche à se réinventer, et un regard porté sur le théâtre comme moyen de cette réinvention. Cette double dimension est-elle essentielle dans la relation qui vous unit à lui ?

M.-J. M. : Oui, ces choses-là sont très importantes pour moi. Et ce que je trouve intéressant, c’est que ces deux dimensions sont nouées. Je crois que Pirandello est strictement moderne, je veux dire au sens révolutionnaire. Son écriture fait exploser la définition de l’humanité, ainsi que celle de la réalité. C’est à travers le théâtre que Pirandello tente de vérifier les hypothèses possibles quant à une nouvelle définition de l’humanité. En terme de vitalité théâtrale, Pirandello se trouve pour moi au même niveau que Brecht.

 

Comment cette nouvelle humanité s’exprime-t-elle dans On ne sait comment ?

M.-J. M. : C’est une pièce quasi-maîtresse, qui résume de manière éclatante la démarche de Pirandello, qui la porte à son extrême. La question que pose On ne sait comment est celle d’un homme qui a commis des crimes et qui déclare que, les ayant commis sans savoir comment, il n’en éprouve aucun remord. Ces crimes n’auraient ainsi rien déposé en lui. On découvre que l’humanité peut être purement monstrueuse, qu’elle peut avoir un rapport de totale étrangeté à ses propres actes. Cette prise de conscience revient à dire que ce qui nous constitue peut être de l’ordre du non-sens, du trou, du vide… La pièce a été écrite en 1934, à un moment où l’Europe s’obscurcissait totalement. Pirandello pose un débat avec le nihilisme. Il se demande si, à partir de l’hypothèse qu’il établit, on peut conclure qu’il n’y a rien à espérer, rien à sauver de l’humanité, ou alors si on peut tout de même trouver un chemin qui l’amènerait à se construire positivement.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

On ne sait comment
du jeudi 7 avril 2016 au dimanche 17 avril 2016
Théâtre de la Commune
2 rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers.

Du mardi au vendredi à 19h30, le samedi à 18h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 3h. Tél. : 01 48 33 16 16. www.theatredelacommune.com.

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