La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

On ne badine pas avec l’amour

On ne badine pas avec l’amour - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Camille et Perdican, jeune couple emporté par les errements illusoires d’un ego incertain.

Publié le 10 mars 2009

L’œuvre de Musset, qui met en scène les difficultés existentielles de la jeunesse, est ici actualisée de fort belle façon par la judicieuse mise en scène de Joël Dragutin et une formidable équipe de jeunes comédiens.

Un vieux garage un peu délabré, empli de choses inutiles, de vieilleries et de souvenirs, comme un catalogue d’objets relégués et figés, évoquant autant l’idée d’une sorte de précarité existentielle que celle d’un passé riche de multiples signifiants (le bonhomme Michelin, si français, si ancien et toujours là, peut-être immortel !, la fontaine de l’enfance en fer rouillé, haut lieu de rendez-vous, etc). Un garage qui recèle aussi des signes typiques des élans et de l’exaltation de la jeunesse. Tout un programme, de Jimi Hendrix à Pulp Fiction, de la vieille 4L aux objets de l’enfance. Cette scénographie ancrée  dans notre monde contemporain nous fait penser à Mythologies de Roland Barthes, outil d’interprétation du réel relié à l’éphémère d’un instant, mais décryptant des modes de pensée universels. A travers ce décor entre nostalgie de l’enfance et précarité d’une existence à construire, à travers le jeu juste et sensible des jeunes comédiens qui s’emparent tous de la pièce avec talent, Joël Dragutin actualise la pièce avec intelligence et savoir-faire. Toute l’incertitude de la jeunesse et tous les travers sociaux qui caractérisent la société humaine (appât du gain et de la bonne chère, hypocrisie, etc) sont montrés de façon percutante.

Jeunes cœurs à l’écoute illusoire de leur ego

Les errements de ces jeunes cœurs à l’écoute illusoire de leur ego, oscillant entre plusieurs directions, errements tragiques, cruels et inconséquents, sont un régal pour le public, et la langue de Musset, riche et belle, à l’occasion pimentée de mots d’aujourd’hui, fait mouche. La jeunesse est aussi un moment où on se met en danger sans vraiment réfléchir. Qui sont ces amoureux orgueilleux, impulsifs, naïfs et intransigeants, n’arrivant pas à communiquer sereinement ? Camille et Perdican, cousins très liés pendant l’enfance, se retrouvent au seuil de l’âge adulte, lui après des études, elle après un séjour au couvent, où ses consoeurs l’ont mise en garde contre la futilité dangereuse de l’amour. Se fiancer à Jésus pour se protéger du monde et de l’égoïsme des hommes, selon elle, alors que l’amour entre deux êtres, aussi “imparfaits“ et “affreux“ soient-ils, est une chose “sublime“, selon lui. Ils se retrouvent donc dans le château du  père de Perdican, accompagnés de Maître Blazius pour lui et de Dame Pluche pour elle. Le Baron aimerait tant les marier, mais leur première entrevue n’augure rien de bon. Le Romantisme a voulu dépeindre la vérité des mouvements de l’âme, et Musset le pessimiste en souligne les contradictions. La mise en scène de Joël Dragutin, mettant en lumière les difficultés du passage à l’âge adulte, est ancrée elle aussi grâce à une théâtralité aboutie dans la vérité des âmes et des cœurs. Une belle réussite.

Agnès Santi


On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset, mise en scène Joël Dragutin, création du Théâtre 95 de Cergy-Pontoise. Tél : 01 30 38 11 99. Tournée en cours. 

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