La Terrasse

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Théâtre - Critique

Odile et l’eau, Anne Brochet dessine le portrait impressionniste d’une femme esseulée et désoccupée

Odile et l’eau, Anne Brochet dessine le portrait impressionniste d’une femme esseulée et désoccupée - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard-Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis
Anne Brochet dans Odile et l’eau. Crédit : Pierre Alain Giraud

Théâtre Gérard-Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis / texte et conception Anne Brochet

Publié le 25 octobre 2022 - N° 304

Seule sur scène, vêtue de maillots de bain une pièce ou de robes d’été, la comédienne et autrice Anne Brochet dessine le portrait impressionniste d’une femme esseulée et désoccupée. Une femme qui, de barbotages en longueurs de piscines, s’immerge dans l’eau pour renaître à elle-même.

 

Elle vit seule. Elle a la cinquantaine. Elle n’est plus tombée amoureuse depuis quelque temps. Ses enfants ont grandi. Sa mère est morte. Nicolas n’est plus l’homme de sa vie. Elle se prénomme Odile. Drôle de prénom, Odile, pour une femme de son âge. Drôle de prénom pour une drôle de femme : sirène à deux jambes qui passe son temps à nager, tout en considérant le monde depuis l’atmosphère fourmillante de piscines publiques. Vestiaires, douches, pédiluve, grand bassin. Palmes, bonnet, lunettes, gants de nage. Une femme badine pourrait-on dire, sensible, affable, qui paraît pourtant cacher quelque part, en elle-même, derrière la candeur de sa nature souriante, une forme de secret. Une blessure. Une faille intérieure. Comme un drame. Rien de tragique, toutefois, dans cet Odile et l’eau, monologue mi-facétieux, mi-introspectif qu’Anne Brochet a écrit et interprète avec la profondeur incarnée qui la caractérise. Rien de vraiment inquiétant ou de grave. Plutôt une douce mélancolie, une quête intime qui avance masquée, de guingois, à travers l’élégance pudique d’une fuite existentielle qui se cache, qui ne veut pas dire son nom.

Les petites sensations d’une vie qui se cherche

Quand elle était enfant, Odile a été sauvée in extremis, par son père, d’une noyade. Regretterait-elle, finalement, d’avoir survécu ? Aurait-elle curieusement préféré rejoindre, pour toujours, les eaux claires, les flots chatoyants, les ondes remuantes, envoûtantes, habitées par les poissons et les organismes marins que les vidéos de Pierre-Alain Giraud (qui signe également la création sonore) donnent à voir sur le plateau (la scénographie est de Zoé Pautet) ? Toutes sortes de contingences traversent ce spectacle à la modestie aventureuse. Ici, les grands mouvements de théâtralité, les points de vue imposants sur l’existence et la condition humaine laissent place à des séries de petites sensations, de petites visions qui s’entrecroisent, se chevauchent, se répondent pour animer des situations tout à fait quotidiennes. D’une douceur poétique, ce seule-en-scène a le charme de son interprète, Anne Brochet, une comédienne et autrice aux talents singuliers. Il a aussi l’étrangeté d’une Odile fragile, inclassable, qui nous plonge dans les creux et les pleins de ses troubles, de ses discrètes fantaisies.

Manuel Piolat Soleymat

 

 

A propos de l'événement

Odile et l’eau
du jeudi 17 novembre 2022 au dimanche 27 novembre 2022
Théâtre Gérard-Philipe – Centre dramatique national de Saint-Denis
, 59 boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint Denis

Du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h, le dimanche à 15h30, relâche le mardi. Tél. : 01 48 13 70 00. www.tgp.theatregerardphilipe.com Durée : 1h15. Spectacle vu le 12 octobre 2022 à la MC2 à Grenoble.

Egalement du 2 au 10 février 2023 au Théâtre national de Strasbourg

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