La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Oblomov

Oblomov - Critique sortie Théâtre Paris Comedie française-Théâtre du Vieux-Colombier
Crédit photo : Sarah Robine Légende photo Volodia Serre

Entretien
Volodia Serre
Théâtre du Vieux-Colombier
Oblomov / de Gontcharov / adaptation et mise en scène Volodia Serre



Publié le 20 avril 2013 - N° 209

Lové au creux des rêves que lui susurre son tendre divan, Oblomov s’enfonce chaque jour un peu plus dans le moelleux de la paresse, hanté par la nostalgie d’une enfance insouciante. Métaphore de l’apathie russe pour les uns, figure d’une nouvelle sagesse pour les autres, le héros du roman de Gontcharov fascine toujours. Comédien et metteur en scène, Volodia Serre fréquente depuis longtemps les auteurs russes et explore les facettes du personnage avec la troupe du Français.

« La question de la pertinence de notre modèle de développement fondé sur la croissance. »

Sommes-nous aujourd’hui menacés ou en manque d’« oblomovisme », pour reprendre l’expression de Stolz, ami qui tente de sortir Oblomov de son indécrottable torpeur ?

Volodia Serre : Oblomov représente certes l’oisiveté mais questionne aussi, par sa façon d’être, la quête qui agite le monde autour de lui. Aboulique chronique, ce Pétersbourgeois propriétaire terrien ne parvient pas à s’inscrire dans le réel de son époque, qui voit l’avènement du système capitaliste. A travers la lutte amicale qui l’oppose à Stolz, symbole de l’homme nouveau, concret, actif, efficace, se pose la question de la pertinence de notre modèle de développement fondé sur la croissance. Oblomov cherche une symbiose avec la nature, une synthèse entre l’héritage du passé et un type de modernité, alors que dominent les valeurs de rendement, d’action et de progrès. Mais qu’est-ce que la vie, qu’est-ce que le bonheur ? La croissance peut-elle être le moteur de notre civilisation ? Ces sujets se trouvent au cœur du débat politique actuel.

Quelles sont les lignes directrices de votre adaptation théâtrale ?

V. S. : Elles s’appuient d’une part sur les dialogues, très développés dans le roman, d’autre part sur la confusion entre le rêve et le réel. Oblomov est incapable de quitter l’enfance et d’accepter l’âge adulte. Il s’enferme chez lui, cherche le calme, préfère la tranquillité d’une liaison amoureuse quasi maternelle à la passion. Il fuit la « vie » et se réfugie dans le sommeil, dans un univers intérieur habité de songes, de fantasmes et de souvenirs. A force de s’évader, il ne parvient plus à revenir au réel et reste dans l’inertie. Le spectacle est ainsi construit en trois phases : l’homme couché, l’homme debout et l’homme flottant, quand la réalité se dilue dans les rêveries.

Le rêve se cogne en effet sans cesse contre la réalité et s’y mêle. Comment rendre sensible ce trouble sur le plateau ?

V. S. : La scénographie, dénudée, est centrée sur le divan, où se tient Oblomov. Son espace mental est suggéré par une ligne de fuite vers le lointain, vers le paradis perdu. Les murs se couvrent d’images au gré de ses endormissements successifs. Ces réminiscences, visions et prémonitions se superposent aux motifs floraux du vieux papier peint, jauni et usé. 

Guillaume Galienne interprète Oblomov.

V. S. : J’ai pensé à lui dès la lecture du roman. Oblomov est à la fois agaçant, haïssable et généreux, profondément touchant et aimable. Guillaume Gallienne a la finesse nécessaire pour apporter ces nuances et faire exister la part d’enfance au cœur de la vie d’homme.

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Oblomov
du mardi 7 mai 2013 au dimanche 9 juin 2013
Comedie française-Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris

Du 7 mai au 9 juin 2013, à 20h, sauf mardi à 19h, dimanche à 16h, relâche lundi (horaire exceptionnel le samedi 8 juin à 16h). Tél : 0825 10 1680 (0,15€)
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