La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Misanthrope

Le Misanthrope - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DE L’ODEON

Théâtre de l’Odéon /
De Molière / mes Jean-François Sivadier

Publié le 20 avril 2013 - N° 209

Entre L’âge d’Or (1530) de Cranach et les Plaisirs de l’île enchantée du Grand Roi, Sivadier installe l’empêcheur de tourner en rond dans un paradis d’enfer, un merveilleux fouillis poétique. 

La mise en scène du Misanthrope par Jean-François Sivadier est un fouillis poétique, un manifeste chaotique, un terrain de jeux préparatoire au bonheur utopique des êtres. Vivons ensemble, dit Molière, dans une entente conviviale approximative. Ne tombons pas dans les excès d’authenticité d’Alceste. La scène évoque les jardins extérieurs d’un grand château à la Versailles. Simulant la terre fraîche des premiers temps de la Création, le sol est jonché d’une poudre de copeaux volatiles couleur charbon, dont scintillent des éclats lumineux, des restes colorés de fêtes nocturnes, au milieu de chaises à l’abandon. Dans la nuit du firmament, tournoient les reproductions célestes de la galaxie, planètes lointaines, étoiles, et pleine lune. Deux chandeliers couronnés de bougies s’élèvent, puis se déverse en silence le glissement des voilages de deuil, façon Atys. Pour la Cour du Roi-Soleil, des fontaines miniaturisées propulsent leurs jets d’eau enchanteurs. À l’intérieur de ce décor précieux et inquiétant, les personnages de comédie portent des costumes pastel loufoques, entre collants rose fluo et allure seventies, sans oublier les perruques des courtisanes de Cécile Kretschmar.

Un univers de rêve merveilleux

Dans un univers de rêve merveilleux, le ténébreux et colérique Alceste, qu’incarne Nicolas Bouchaud, enraye la machine, à travers l’absolu d’une rage forcenée. Les autres figures du Misanthrope évoluent dans le bonheur d’être, s’essayant à quelques pas de danse sur un refrain d’opéra ou une musique rock, flirtant au sein d’une société mensongèrement harmonieuse qui ne cache pas ses médisances. Connaître la félicité en se laissant courtiser par les petits marquis ou le poète Oronte, voilà ce à quoi prétend Célimène – belle frivolité naturelle de Norah Krief – qui aime pourtant son sombre amant. Attiré par la sincère Éliante (Anne-Lise Heimburger), l’ami d’Alceste, Philinte (Vincent Guédon), est l’honnête homme qui serre la main des spectateurs et les invite à trouver la rime des célèbres vers de Molière. Ce que ne saurait approuver l’ennemi du genre humain qui refuse le commerce avec ses semblables. Christèle Tual en Arsinoé, juchée sur un carrosse d’or – une installation de bric et de broc sur roulettes -, joue une élégante hypocrite à l’humeur amère. Oronte – Cyril Bothorel -, poète raté et courtisan, ne déroge pas au ridicule du clown vaniteux. Pour les petits marquis, Stephen Butel et Christophe Ratandra jouent avec soin leur partition acérée de lutteurs Belle Époque, sculptés à la Falguière. Un conte doux-amer d’une très belle fantaisie. 

Véronique Hotte

A propos de l'événement

Le Misanthrope
du mercredi 22 mai 2013 au samedi 29 juin 2013
THEATRE DE L’ODEON
Place de l'Odéon, 75006 Paris

Du 22 mai au 29 juin 2013, du mardi au samedi à 20h, dimanche à 15h. Tél : 01 44 85 40 40. Spectacle vu au Théâtre National de Bretagne- Rennes. Durée : 2h30.
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