Nicolas Stavy
PIANO / AMPHITHEATRE BASTILLE
Publié le 27 mars 2014 - N° 219Piano bohême
Révélé par des enregistrements magnifiques consacrés à Chopin et Haydn, mais aussi par des prix internationaux, Nicolas Stavy voyage en liberté dans les répertoires les plus variés. Il signe l’un des récitals de piano les plus intrigants de la saison en interprétant le vaste cycle des Heures dolentes de Gabriel Dupont (compositeur important mais oublié, disparu en 1914), partition fascinante et émouvante de 1905 évoquant au fil de ses quatorze pièces les impressions ressenties par un malade dans la solitude de sa chambre de repos…
Comment avez-vous rencontré cette partition ?
Nicolas Stavy : Christophe Ghristi de l’Opéra Bastille qui programme la série « Convergences » connaît ma curiosité en matière de répertoires rares. C’est lui qui m’a proposé de découvrir et faire découvrir au public cette partition étonnante qui dure une heure ! Gabriel Dupont est mort très jeune et il se savait condamné. Il fut malade et alité une grande partie de sa vie. Il n’a connu les jeux d’enfants dans la cour qu’à travers les rires qu’il entendait depuis sa fenêtre. Beaucoup de ces situations communes ont été pour lui vécues par l’imaginaire.
Qu’aimez-vous dans cette musique ?
N. S. : Cette période du tournant du siècle est particulièrement riche. Si l’on trouve dans son écriture des influences de Fauré, Ravel, Debussy ou même Roussel, Dupont a su, pendant sa courte vie, inventer un langage bien à lui. C’est aussi une œuvre extrêmement bien écrite pour le piano ! Des passages plutôt introvertis côtoient trois ou quatre pièces brillantes et pleines de virtuosité.
« Ce que je cherche en tant qu’interprète, c’est de donner un sens à une œuvre. »
Ressentez-vous un plaisir particulier à vous faire l’ambassadeur de répertoires méconnus?
N. S. : Ma vision de l’interprète a plusieurs facettes. Notre répertoire instrumental est immense et ne peut être entièrement abordé en une vie, même très remplie ! Chacun est donc libre de se spécialiser dans tel ou tel répertoire ou bien de tenter de faire vivre un répertoire moins connu. J’aime être surpris. J’aime ne pas prévoir une rencontre avec une œuvre. C’est parfois difficile car un répertoire que l’on connaît peu « résiste » dans le travail, avant de devenir plus familier. Pourtant, aborder une sonate de Beethoven, connue depuis l’enfance, n’est pas plus facile, loin de là ! C’est un autre travail, une autre approche. J’aime creuser cette nouveauté, risquer un répertoire qu’instinctivement j’ai envie de rendre vivant. Je me sens aussi une responsabilité, car si les interprètes ne jouaient pas ce répertoire, il serait mort !
Quelle est la part de hasard dans la construction d’un répertoire, d’une « image » d’interprète, d’une discographie ?
N. S. : Très tôt, j’ai senti ce besoin de multiplier mes directions de travail et de répertoires. Au lendemain des concours, j’ai surtout joué le répertoire du XIXe siècle. Ensuite, je me suis davantage penché sur les classiques (Beethoven, Haydn, Montgeroult), puis à nouveau sur le XIXe siècle. Aujourd’hui, mes projets se tournent davantage vers le XXe siècle que j’ai finalement peu abordé. Il n’y a point de hasard à cela. Je tiens à me plonger dans les musiques qui m’intriguent et m’attirent. Elles changent avec le temps. Cela s’oppose à l’idée qu’un musicien jouerait un répertoire qui lui convient bien pour dire quelque chose qu’il a en lui. Si une interprétation doit comporter une immense implication personnelle, n’est-ce pas l’œuvre qui doit surgir à l’arrivée, et non une prouesse de réalisation ? Ce que je cherche en tant qu’interprète, c’est de donner un sens à une œuvre. Je dis bien « un » car il n’y a pas de sens unique.
Propos recueillis par Jean Lukas
A propos de l'événement
Nicolas Stavydu mercredi 23 avril 2014 au mercredi 23 avril 2014
Amphithéâtre Bastille
120 Rue de Lyon, 75012 Paris, France
Mercredi 23 avril à 20h. Tél. 0 892 89 90 90. Places : 25 €.
Complément de programme : Chansons normandes, pour voix de femmes et piano de Gabriel Dupont, La Damoiselle élue de Debussy. Avec Andreea Soare (soprano), Julie Pasturaud (mezzo-soprano), le Choeur de l’Opéra national de Paris et Patrick Marie Aubert (direction).