La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Nichons là

Nichons là - Critique sortie Théâtre
Crédit : Philippe Laurençon Légende : Un espace dépouillé de tout artifice mais investi de vraies prouesses : Nichons là est à Antony ce moi-ci.

Publié le 10 avril 2012 - N° 197

Le spectacle signe la réunion de deux circassiens de haute volée, Rémi Luchez et Olivier Debelhoir. Leur prouesse ? Donner au presque rien ses lettres de noblesse, tenir en haleine le spectateur en tricotant trois bouts de ficelle…

Ils arrivent l’air benêt, prennent possession de l’espace vide et sans agrès, jaugent le public du regard, pour finalement l’invectiver à la manière, rude, d’un maître d’école. A quoi jouent ces deux énergumènes ? Cette question, qui va courir pendant tout le spectacle, ne sera pas la seule préoccupation du public. Bien au contraire : lorsque l’un deux extrait une grande tige de métal hors des gradins, et entreprend de monter à l’échelle sans aucun point d’appui, nous voilà tous happés vers cette périlleuse entreprise qui ne dépasse pas un mètre cinquante de hauteur. Même chose quand il s’agit de grimper sur une simple pelle, en équilibre précaire sur le tranchant de l’objet, requalifiant la notion de risque à l’échelle d’un objet du quotidien plutôt que par l’imposante figure de l’agrès. C’est ainsi que Rémi Luchez et Olivier Debelhoir font leur cirque : comme deux gars qui ne ressemblent à rien mais qui ne doutent de rien, dont la banalité – pour ne pas dire la connerie – devient une force qui emporte le public comme pourrait le faire la plus audacieuse des prouesses.

Fascinant et attachant

Il en va de même lorsqu’il s’agit de transporter quelques morceaux de bois en équilibre sur la tête, ou une jarre en terre cuite… Bien malgré nous on tremble devant l’instabilité du dispositif, ou plutôt devant cet homme qui joue sa vie pour et avec presque rien. On se souvient encore, il y a de nombreuses années maintenant, d’un Johann Le Guillerm à quelques centimètres du sol sur ses goulots de bouteilles. Comme leur aîné, Rémi et Olivier détournent l’idée de danger et de performance tout en emportant l’adhésion du public. Toute l’ambiguïté réside également dans leurs personnages, cow-boys mal élevés délaissant tout artifice de séduction, brut de décoffrage dans leur relation duelle ou leur lien au public. Qu’est-ce qui les rend si attachants ? Troublants dans leur jeu d’oppresseur / opprimé et de mauvais garçons désobligeants, il suffit pourtant de trois notes à l’accordéon et d’un Lou Reed en anglais approximatif pour que l’on entonne avec eux le refrain. Et, lorsqu’ils quittent la piste en ours mal léchés pour finir en voleurs de sacs à main, on applaudit à tout rompre.

Nathalie Yokel


Nichons là, de Rémi Luchez et Olivier Debelhoir, jusqu’au 15 avril, les 1er, 8 et 15 avril à 16h, les 6, 7, 13 et 14 avril à 20h, le 11 avril à 19h, à l’espace Cirque du Théâtre Firmin Gémier, rue Georges Suant, 92160 Antony. Tel : 01 41 87 20 84. Spectacle vu à l’espace cirque du Théâtre Firmin Gémier.

A propos de l'événement


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