La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

NEONS

NEONS - Critique sortie Danse Lausanne Théâtre Sévelin
Une lumière qui caresse et qui divise. (c) Philippe Weissbrodt

Théâtre Sévelin / chor. Philippe Saire

Publié le 20 janvier 2014 - N° 216

Philippe Saire chorégraphie pour et avec des néons et journaux lumineux : des objets qui éclairent autant qu’ils font jaillir l’obscurité. 

Qui n’a jamais été frappé par l’éclat blême de néons dans une rue noire ? Par la force d’attraction d’une enseigne lumineuse ? A la fois points de repère et sources d’éclairage, ces éléments du paysage urbain façonnent aujourd’hui notre rapport à l’espace. Philippe Saire, habitué des interrogations sur l’environnement, ses reliefs et ses signaux, prend ces objets comme point de départ pour sa dernière création : il recourt d’une part aux néons, ces tubes à l’intensité froide et fragile, et d’autre part aux journaux lumineux, « écrans à points » permettant d’afficher des textes courts, dans une graphie stéréotypée. De ces derniers, il fait le support de mots inattendus, évoquant le crépitement du feu ou la dérive psychologique – détournant l’usage de ces surfaces habituellement dévolues à des éléments commerciaux ou informatifs. Deux danseurs, Philippe Chosson et Pep Garrigues, transportent ces objets et leurs câbles. En retour, ces sources lumineuses éclairent les corps qui les manipulent, et les révèlent sous un jour singulier : la lumière du néon, extrêmement restreinte, éclaire quelques reliefs du corps, tandis que les autres sont plongés dans l’obscurité.

Une chorégraphie picturale et diffractée

Les visages notamment restent le plus souvent inaccessibles, et les danseurs jouent de ces apparitions partielles, composant des images poétiques qui s’évanouissent dans l’ombre. L’oeil se plaît à perdre et rechercher les contours de cette anatomie étrange, qui voit régulièrement surgir des réminiscences du patrimoine pictural : figures christiques, actions muettes. Une histoire dansée de la peinture, ou une histoire picturale de la danse… Les sources lumineuses façonnent aussi une dramaturgie : redécoupant l’espace de la scène, créant des ruptures, des divisions, elles induisent un jeu sur la séparation des espaces et des corps. Une construction spatiale diffractée qui donne à la pièce sa structure diffuse, en éclats : NEONS n’a pas la netteté de Black Out, qui s’inscrivait dans la même série de pièces courtes pour lesquelles Philippe Saire revendique la possibilité de s’éloigner des formats standard de la création chorégraphique. Ce trio de 2011, pour cinquante spectateurs, avec perspective plongeante sur les danseurs, avait marqué les esprits par son dispositif et sa progression implacable. Plus épars, sans doute plus hésitant, NEONS tient une autre place dans le parcours du chorégraphe : celle d’une pièce de recherche, nécessairement plus trouble, mais aussi plus aventureuse. Peut-être la prise de risque qui accompagne la réinvention d’un langage scénique et chorégraphique, en assumant le caractère imprévisible d’une démarche expérimentale.

Marie Chavanieux

A propos de l'événement

NEONS. Never ever, Oh ! Noisy Shadows
du vendredi 17 janvier 2014 au dimanche 26 janvier 2014
Théâtre Sévelin
36 av. de Sévelin, Lausanne (Suisse)théâtre Sévelin

Tél. +41 21 620 00 11.
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