Traversées du monde arabe
En 2016, le Tarmac inaugurait avec l'Afrique [...]
Reprise de la première création du projet imaginé en 2014 par Stanislas Nordey pour le Théâtre national de Strasbourg : un texte écrit et mis en scène par Anne Théron*, avec les comédien-ne-s Marie-Laure Crochant, Julie Moulier et Laurent Sauvage. Une replongée tortueuse dans le monde des Liaisons dangereuses.
C’est entre esthétique dix-huitièmiste et éléments de décor inspirés de l’univers d’Enki Bilal qu’Anne Théron redonne vie, dans Ne me touchez pas, à la marquise de Merteuil et au vicomte de Valmont. Entre langue d’hier et d’aujourd’hui. Entre réalité théâtrale et désirs de cinéma. Beaucoup de choses et quelques défauts se mêlent dans cette création complexe qui tout d’abord rebute, puis finit par toucher et retenir l’attention. En décidant, comme dans la plupart de ses spectacles, d’équiper ses interprètes de micros HF (Marie-Laure Crochant / Merteuil, Julie Moulier / La Voix, Laurent Sauvage / Valmont), Anne Théron fait un choix discutable. Car loin de favoriser la dimension intime et organique de la représentation, ce processus de sonorisation lui confère un aspect lointain, comme synthétique. Presque artificiel. Si on ajoute à cela la performance en mode mineur de Laurent Sauvage – qui ne parvient jamais à faire exister le personnage de Valmont – on comprend les raisons pour lesquelles ce projet, dans un premier temps, a du mal à convaincre.
Une course âpre, obscure, lyrique
Et pourtant, après quelques scènes, à l’occasion d’une traversée assidue et sensible de son rôle, Marie-Laure Crochant se détache de cette monotonie pour imposer la voix vibrante de Madame de Merteuil. Pour laisser percevoir ses souffrances. Ses questionnements. Ses désarrois. C’est toute une atmosphère, alors, qui s’affirme : énigmatique, elle se déploie et échappe en même temps. Ainsi la comédienne, en contrepoint à la talentueuse Julie Moulier (dont le personnage rode, observe, contextualise, en venant à se confondre avec l’esprit de la marquise), nous gagne à la cause de ce face-à-face déséquilibré, mais intrigant. Car Ne me touchez pas, au final, se révèle une proposition pleine d’étrangeté. Une proposition qui laisse à l’esprit quelques images et de nombreuses sensations. Comme celle d’avoir assisté à la course âpre, obscure, lyrique, d’êtres tentant de conjurer la mort et l’épuisement du désir.
Manuel Piolat Soleymat
* Texte publié aux Editions Les Solitaires Intempestifs
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