La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Music hall 56

Une formation hors normes défend sur scène son premier disque.

Publié le 10 mars 2007 - N° 146

Irène Bonnaud met en scène, pour la première fois en français, un des plus
grands succès de John Osborne, occasion pour des comédiens exceptionnels de
déployer toute la palette de leur talent.

1956. L’Angleterre est en train d’essayer de récupérer le Canal de Suez aux
« bougnoules » et Mick, un des fils de la tribu Rice, est sous les drapeaux.
Dans l’antre des Rice, sorte de vide-grenier de la mémoire du cabaret, les
personnages sont aussi déglingués et improbables que les accessoires amoncelés
d’un music hall suranné. Le grand-père, Billy, vieil acteur à la retraite,
carbure à la bière et aux cantiques. La mère, Phoebe, noie son angoisse et ses
désillusions dans le gin, et Archie, le père, comique raté et déjanté cosmique,
essaie en vain de relancer sa carrière et d’échapper à ses créanciers. La fille
d’Archie, Jean, vient consoler ses peines de c’ur et ses colères politiques dans
ce repaire fantasque de doux dingues tordants, dérisoires et désarmants
d’humanité où s’invite également Frank, le fils, objecteur de conscience qui a
échappé au sort de son frère en purgeant une peine d’intérêt général. Sur fond
de conflit colonial dont des projections sur tulles rappelle adroitement
l’omniprésence inquiétante, les Rice mènent leur vie de bâton de chaise et de
patachons alcooliques, entre insultes vertes, déclarations d’amour brutales,
lucidité forcenée et rêves continués.

Une belle intelligence scénique pour des acteurs confondants de justesse

Difficile de circonstancier les éloges devant la distribution impeccable qu’a
réunie Irène Bonnaud autour de ce projet, tant les comédiens, hallucinants de
vérité, y offrent le meilleur de ce que le théâtre peut proposer. La pièce
d’Osborne y est pour beaucoup car l’écriture efficace du dramaturge anglais
réussit à mêler la drôlerie et le drame avec un art consommé de l’équilibre.
Mais Dan Artus, Sophie-Aude Picon, Roland Sassi, François Chattot et la géniale
Martine Schambacher jouent avec une délectation rare et un abattage, un brio et
un entrain qui ne laissent pas une seconde de répit au spectateur, forcément
conquis, forcément séduit, forcément ému. La mise en scène d’Irène Bonnaud joue
des adresses au public, fait sauter gaiement le quatrième mur, fait alterner les
scènes de cabaret, les chansons et les moments d’intimité familiale avec
vitalité et subtilité. Délirant et poignant, précis, enjoué et sacrément réussi,
ce spectacle constitue un moment de bonheur rare à ne pas rater.

Catherine Robert

Music hall 56, de John Osborne ; mise en scène d’Irène Bonnaud. Du 7 au 31
mars 2007. Lundi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30 ; mardi et jeudi à
19h30 ; représentation exceptionnelle le 25 mars à 17h ; relâche les 11, 18, 21
et 28 mars. Centre Dramatique National de Montreuil, salle Maria Casarès, 63,
rue Victor-Hugo, 93100 Montreuil. Réservations au 01 48 70 48 90. Du 18 au 28
avril 2007 à 20h, relâche les 22 et 23. TNT ? Théâtre National de Toulouse
Midi-Pyrénées, 1, rue Pierre-Baudis, BP 50 919, 31009 Toulouse cedex 6.
Réservations au 05 34 45 05 05.

A propos de l'événement


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