La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Moule Robert de Martin Bellemare, mis en scène par Benoît di Marco

Moule Robert de Martin Bellemare, mis en scène par Benoît di Marco - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de Belleville
Moule Robert © Christophe Raynaud de Lage

texte de Martin Bellemare / mes Benoît di Marco

Publié le 27 mars 2019 - N° 275

De l’inadéquation de la morale altruiste dans des sociétés gonflées à l’individualisme, Moule Robert fait un spectacle un peu poussif.

Nous sommes tous tiraillés au quotidien entre l’altruisme et l’égoïsme, conduits lors d’une journée ordinaire à opérer des choix moraux successifs qu’on maquille comme on peut, mais qui conduisent inévitablement à choisir entre soi et les autres, souvent en faveur du premier. Force est de constater que la société contemporaine elle-même semble davantage encourager l’individualisme que la solidarité, ce que l’on rapporte régulièrement – à la fois cause et effet – à l’essor du modèle social et moral de type néolibéral. Martin Bellemare, jeune auteur québécois, est en première ligne, lui qui vit dans une société anglo-saxonne qui a toujours eu quelques encablures d’avance sur le bon vieux système social français. Dans Moule Robert, il met en parallèle la destinée de deux personnages. L’un, éponyme, est éducateur dans une école primaire, pense aux autres avant de penser à lui, excessivement. L’autre est producteur de spectacles comiques et, on l’aura deviné, fait passer sa personne avant tout, jusque sur le plan des pratiques sexuelles dans lesquelles il ne s’embarrasse d’aucune morale. L’un s’appelle donc Robert Moule. L’autre Robert Goule. L’opposition est claire, le décor est planté.

Les dominés l’ont dans le baba

Le risque serait de verser dans la bonne morale convenue qui conduit d’avance à affirmer qu’il vaut mieux privilégier l’autre à soi. C’est un écueil qu’évite haut la main la pièce, brouillant les pistes quant aux données du problème, retournant la question dans tous les sens, presque nietzschéenne quand elle se met à critiquer cette morale des faibles qui ne ferait qu’entretenir les mécanismes de domination. Car la morale de l’histoire dans Moule Robert, c’est que les dominés l’ont dans le baba face à des dominants qui bâtissent leur succès sur l’amoralité, et imposent d’autant mieux leur désir qu’ils ne lui posent aucune barrière. Tout cela tient la route mais est porté par une intrigue bien mince : Robert Moule est attaqué en justice pour avoir saisi par le bras la fille de Robert Goule, qui lui s’en donne à cœur joie avec les femmes, et surtout les jeunes filles, sans que rien ne lui soit jamais reproché. La narration et le jeu s’entremêlent, à plusieurs voix. Le texte veut qu’on raconte autant qu’on joue et que l’on pénètre l’intériorité des personnages réifiée dans la mise en scène de Benoît di Marco en une sorte de gigot-cerveau un peu dégoûtant, transposition burlesque du fameux crâne d’Hamlet. Avec ce système qui entremêle le récit, l’action et les commentaires, le rapport entre la scène et le public n’en est que plus direct mais l’on y perd en fluidité. Surtout, l’histoire manque d’enjeux et le dilemme moral peine à véritablement s’incarner. De plus, la dramaturgie fait zapper d’une situation à l’autre sans qu’elles aient le temps de véritablement s’installer. Au final, malgré un dispositif scénique plutôt original et bien porté par des acteurs auxquels il laisse la part belle, le spectacle devient monotone, reste agréable, mais finit par désintéresser.

Eric Demey

A propos de l'événement

Moule Robert de Martin Bellemare, mis en scène par Benoît di Marco
du lundi 4 mars 2019 au lundi 29 avril 2019
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris

du 4 mars au 29 avril, le lundi à 19h15, le mardi à 21h15, le dimanche à 17h30. Relâche le 14 avril. Tel : 01 48 06 72 34. Durée : 1h20.

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