La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Trilogie de la vengeance de Simon Stone

La Trilogie de la vengeance de Simon Stone - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier
Eric Caravaca, Pauline Lorillard © Elisabeth Carecchio

texte et mes Simon Stone

Publié le 28 mars 2019 - N° 275

Avec un concept aussi ludique que brillant et des acteurs époustouflants, Simon Stone tient le spectateur en haleine dans son nouveau spectacle résolument féministe.

Au début on est un peu surpris. Lorsqu’on franchit les portes des Ateliers Berthier, un ouvreur nous remet un autocollant portant la lettre A, B ou C. On comprend alors que le public est partagé en trois groupes, chaque groupe ayant accès à une salle différente et étant appelé à en changer après chacun des deux entractes. Trois décors – une chambre d’hôtel, un restaurant, un bureau –, trois chapitres d’une même histoire sur plusieurs décennies. Tel est le concept imaginé par le metteur en scène Simon Stone. Un concept ludique et passionnant qui, selon la lettre attribuée, fait suivre la trame narrative de Trilogie de la vengeance dans un ordre différent. Nourri par trois auteurs élisabéthains (Shakespeare, Ford et Middleton) et par Lope de la Vega, le texte de Simon Stone s’en éloigne tant du point de vue de l’histoire (la vengeance de femmes contre un homme qui n’a cessé de les violenter) que de la langue, à dessein assez banale. Les grands auteurs et leurs mythes sont pour l’artiste une source d’inspiration et lui permettent de s’interroger de façon critique sur la domination masculine et la discrimination exercée sur les femmes – un tropisme dans son travail, déjà à l’œuvre dans Médée, Ibsen Huis et Trois sœurs.

Modernité narrative et vitalité

Ce faisant, il compose une langue de plateau, écrite ad hoc pour un casting spécifique. Dès lors, ceux qui lui reprochent la platitude ou la pauvreté de ses dialogues passent à côté du travail de Simon Stone. Ce qui est en jeu ici n’est pas la poétique de la langue mais la modernité narrative, faite de rythme, de pulsations, de tensions, de paroles qui se coupent et s’entrechoquent, qui bégayent parfois, avec la même imperfection que dans la vie. De ce point de vue, la pièce est une réussite. Tenu en haleine comme devant les meilleures séries contemporaines, le spectateur assiste peu à peu à un puzzle qui se reconstitue sous ses yeux. Loin de se limiter à une brillante mécanique mentale, ce jeu de construction se révèle un outil au service d’une dramaturgie éminemment théâtrale et bourrée de vitalité, d’autant qu’elle est servie par une troupe de comédiens tous époustouflants (Valeria Bruni Tedeschi, Eric Caravaca, Servane Ducorps, Adèle Exarchopoulos, Eye Haïdara, Pauline Lorillard, Nathalie Richard, Alison Valence), qui changent de personnages, d’époques et de salle pendant 2h45. Si le tour de force accuse parfois des limites (« l’acte » du bureau est celui où l’on sent le plus les contraintes liées à la scénographie), qu’importe ! À voir les nombreux spectateurs dont beaucoup de jeunes qui à chaque entracte commentent la pièce et se posent une foule de questions, on se dit que Simon Stone réussit à concilier exigence et accessibilité dans un geste théâtral profondément dynamique.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

La Trilogie de la vengeance
du vendredi 8 mars 2019 au dimanche 21 avril 2019
Théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier
1, rue André Suarès, 75017 Paris.

Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h. Tel : 01 44 85 40 40. Durée : 3h45 avec 2 entractes.

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