Moule Robert de Martin Bellemare, mis en scène par Benoît di Marco
De l'inadéquation de la morale altruiste dans [...]
Matériau Fassbinder, 2016 : Stanislas Nordey et Falk Richter interrogent leur désarroi face à notre époque et utilisent à plein régime leur liberté artistique.
Ecrite au plateau en 2016 au fil des répétitions, co-mise en scène par Stanislas Nordey et Falk Richter, cette création n’a en rien perdu de son acuité. Europe, extrême droite, migrations, violence, terrorisme et autres questions irrésolues : si l’actualité évolue sans cesse, rien n’a vraiment changé. A l’instar du réalisateur et dramaturge Rainer Werner Fassbinder, la pièce interroge le plus brûlant de notre époque malade, qui pourrait tous nous emporter. Et si elle est aussi vivante et saisissante, c’est parce que ses protagonistes s’emparent de cette interrogation avec toute la sincérité, le mordant et la liberté que permet l’art. La scène est ici tout entière le lieu d’un désarroi et d’une envie d’agir, celui d’une pensée en mouvement confrontant des pensées et opinions contradictoires, évitant toute lecture idéologique simplificatrice et univoque, toute attitude de surplomb. L’idée a germé suite aux attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. L’un des points de départ de la pièce fut L’Allemagne en automne (1978), œuvre collective rassemblant plusieurs courts-métrages, dont l’un de Fassbinder, qui réagit aux événements d’automne 1977 en Allemagne, alors que les actions du groupe terroriste Fraction armée rouge (RAF), les Baader-Meinhof, frappèrent le pays et engendrèrent des lois d’exception, et que le décès en prison de certains de ses membres a posé question.
La liberté de dire et de faire
A son tour, le collectif qui compose cette pièce interroge notre présent européen plombé par la menace terroriste, la peur, la montée de la haine et de l’extrême droite, à travers la figure fictionalisée de Fassbinder, en s’appropriant et s’imprégnant de sa façon d’être, de penser, de critiquer les errements du monde – même si évidemment les deux périodes présentent des résonances mais aussi des différences majeures. Fassbinder vomit les diktats normatifs et revendique la liberté de dire et de faire, la liberté d’affirmer qu’il faut par les moyens de l’art « détruire la société ». Une telle source d’inspiration amène l’équipe des acteurs vers des moments “provocants“, tendant vers la gravité ou la légèreté. Lors d’un bel épisode choral, les cinq comédiens revêtent la robe verte de Petra von Kant et disent sa rage. Une autre scène met en scène une danse particulière que certains trouvent marrante et d’autres lourdingue : Thomas Gonzalez (qui chante aussi très bien) arpente le plateau en balançant ostensiblement son sexe nu. Comme pour dire un non bien clair à l’autocensure qui peut surgir. Les acteurs oscillent explicitement entre personnages et personnes au travail sur un texte, ils jouent à partir du matériau Fassbinder et à partir du présent. Stanislas Nordey est Rainer ou Stan, comme lors du dialogue entre Rainer et sa mère (le si féminin Laurent Sauvage !). Avec notamment Judith Henry (superbe actrice !), les scènes sur l’Europe et ses faillites sont frappantes. Au sol, par endroits le tapis blanc du film Les Larmes amères de Petra von Kant, et aussi une foule d’images nées d’un créateur et travailleur acharné qui fut incroyablement prolifique (une quarantaine de films en moins de quinze ans). Les comédiens sont formidables. Que pèse l’art face au chaos du monde ? Il existe, dans une distance critique, parfois triste, parfois joyeuse. Son expression est toujours bon signe…
Agnès Santi
du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 15h. relâche le 21 avril. Durée : 1h55.
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