LA GRANDE ET FABULEUSE HISTOIRE DU COMMERCE
A partir d’interviews d’anciens voyageurs de [...]
Declan Donnellan met en scène Mesure pour Mesure avec de remarquables comédiens russes : une éblouissante mise en scène, qui éclaire le texte avec maestria et un sens aigu des problématiques humaines, éternellement actuelles.
Quelle maîtrise ! Avec d’époustouflants comédiens, Declan Donnellan nous révèle toute l’intelligence de Shakespeare, dans une mise en scène d’une grande beauté et d’une stupéfiante pertinence. Cette pièce complexe et ambiguë, où le comique côtoie le tragique – aucun meurtre dans la pièce mais des menaces glaçantes et persistantes -, acquiert grâce à l’acuité de la mise en scène une sombre clarté ! Une clarté qui dissèque les mécanismes et les perversités du pouvoir, l’élasticité du concept de justice, et la honte de protagonistes entraînés dans une spirale infernale. Les mouvements de groupe chorégraphiés avec une précision d’orfèvre le suggèrent : l’individu est irrémédiablement relié au collectif, la société tout entière et les individus qui la composent sont embarqués dans le même bateau, fragile esquif qui peut dériver vers des zones de non droit et de tyrannie impitoyable. Comment d’ailleurs ne pas être frappé par l’écho à notre actuelle blessure, alors que la République atterrit un peu tard, et se débat comme un lapin affolé ?
Cruel thriller
Le lieu : une ville « étouffante et imprévisible, comprenant police, couvents, prisons et bordels ». Les personnages : un Duc qui renonce au pouvoir au profit d’Angelo, un faux vertueux soi-disant incorruptible, Duc qui ne part pas mais observe ce qui se passe sous l’habit d’un moine ; Claudio, un condamné à mort pour fornication ; Isabella, sa sœur novice qui fait face à un effroyable chantage : se donner à Angelo pour sauver son frère… La scénographie implacable de Nick Ormerod joue de quatre cubes écarlates géants, dans un espace noir et rouge où se libèrent pulsions et passions, signifiant l’obsession du sexe et surtout l’arbitraire du pouvoir en charge de faire régner la loi et de prononcer les sanctions. La loi comme toujours sujette à interprétation, qui atteint ensemble l’individu et le chœur des hommes et des femmes. Cruel thriller qui s’inscrit dans cette zone trouble et ce brusque basculement entre bienfait et méfait de l’action politique ! Mesure pour mesure : la loi du talion pervertie se résout cependant en une joyeuse équation lors d’une happy end digne de Clint Eastwood et profondément émouvante. Tous les personnages sont merveilleusement incarnés par les comédiens du Théâtre Pouchkine. C’est selon nous l’un des meilleurs spectacles de l’année 2014, ovationné longuement par le public du théâtre des Gémeaux, après avoir été applaudi à Moscou. Du grand art !
Agnès Santi
Du 9 au 31 janvier à 20h45 sauf le dimanche à 17h, relâche les lundis et mardis. Tél : 01 46 61 36 67. En russe surtitré. Durée : 1h50.
A partir d’interviews d’anciens voyageurs de [...]