Avignon 2023 - Théâtre - Critique
« Méduse.s », en quête de vérité sur les récits des violences, de l’Antiquité à aujourd’hui
Théâtre des Doms / Collectif La Gang
Publié le 10 juillet 2023 - N° 312Le Collectif La Gang décrypte le mythe de Méduse en revenant aux pourquoi du récit, et met alors en scène celui de beaucoup de femmes punies pour avoir été violées. Un trio qui prend la parole avec une bienveillance essentielle, pour la redonner à celles qui ne le peuvent plus.
Sophie Delacollette, Alice Martinache et Héloïse Meire commencent par une sorte de trigger warning bienvenu (et trop rare au théâtre) : « Sentez-vous libre de sortir pendant la pièce si vous le souhaitez, et de revenir ensuite ». Il est question du mythe de Méduse. Vous savez, ce récit antique de la mise à mort de la femme-monstre (« La Gorgone ») au pouvoir fatal de pétrifier les humains qui croisent son regard. Ce que l’imaginaire collectif a surtout retenu de cette histoire, c’est sa décapitation par Persée qui donna ensuite sa tête à Athéna. Ce que l’on sait moins, c’est « l’avant ». Pourquoi Méduse est-elle devenue ce monstre ? Ce récit de « l’avant », le collectif La Gang s’en empare pour nous le raconter, et le raconter au passage à Persée qui, pour une fois, n’a pas la parole. Ce récit, celui du viol d’une jeune fille par un homme qu’elle admirait, son oncle Poséidon, celui de tant de femmes punies pour avoir été abusées. En parallèle d’un dispositif plastique et sonore envoûtant servant la narration, sont diffusés des témoignages de femmes qui actualisent le mythe.
De « History » à « Her Story »
Elles reprennent donc du début : l’enfance de Méduse dans les Cyclades, avec ses sœurs, ses parents, les boulots d’été, les fêtes au château, et la volonté de devenir « grande prêtresse ». En déplaçant la figure de Méduse du monstre à celle d’une jeune adolescente ambitieuse, la pièce interroge les discours que l’on diffuse dans l’Histoire, et ceux que l’on occulte. Prenant chacune le rôle de Méduse, les trois comédiennes usent de la technologie pour pointer le fossé entre ce qui est vécu et ce qui en est retenu, en capturant notamment sur le plateau des images projetées en direct. Réparatrice et rassurante, la pièce est une passerelle entre des mondes et des temporalités que tout oppose, mais dans lesquels les mêmes schémas se répètent inlassablement.
Louise Chevillard
A propos de l'événement
du jeudi 6 juillet 2023 au jeudi 27 juillet 2023Théâtre des Doms
1bis rue des Escaliers Sainte-Anne, 84000 Avignon
à 15h. Durée : 1h. Dès 14 ans