Sarrazine, une vie hors normes raccontée par Julie Rossello Rochet dans la mise en scène de Lucie Rébéré
Dans un spectacle soutenu par la Comédie de [...]
« Lente et désinvolte », acerbe et tendre, poignante et drôle : Catherine Hiegel est bouleversante. Raoul Fernandez et Pascal Ternisien forment avec elle un trio au talent exceptionnel. Génial !
Elle est sur le retour sans jamais être allée très loin… Elle s’illusionne un peu, à peine. Elle peste contre les médiocres qui restent « goguenards » face à son talent, mais les toisent avec la morgue de ceux qui, parce qu’ils la rêvent, ont la vie plus belle que ceux qui la subissent. Elle est chanteuse de music hall, ou comédienne, disons artiste, habituée des tournées en province qu’elle enchaîne, puisqu’il faut manger pour vivre. Catherine Hiegel, magistrale et sublime, offre une interprétation extraordinaire du personnage inventé par Jean-Luc Lagarce. La comédienne, dont on connaît la parfaite maîtrise technique et l’art de passer du drame à la comédie, réussit à cabrioler entre les émotions : elle fait chavirer le cœur à chaque réplique, avec une délicatesse confondante, sans jamais forcer le trait. A l’instar de ses yeux maquillés de paillettes, dans lesquels on ne sait si brille le rire ou scintillent les larmes, elle dit, d’un geste, d’une mimique, d’un sourire, sa profession d’étoile filante, si difficile et si belle, aussi ingrate qu’exaltante.
Comédiens métaphysiques
Le tour de force est dans la bascule qui s’opère alors : on comprend que Music Hall est un texte sur l’existence humaine autant que le récit d’une carrière sur les planches. Il explore le métier de vivre mieux encore que celui d’acteur : s’attacher à des riens, se moquer de la nostalgie, avancer toujours vers la lumière, d’où que l’on arrive, garder l’espoir des voyages en transatlantique, même quand on a fait le chemin à pied. Et l’immense Catherine Hiegel raconte notre condition, faite de grandeur et de misère, avec une simplicité, une évidence et une force incroyables. A ses côtés, Raoul Fernandez et Pascal Ternisien jouent les boys de la diva, à la fois repoussoirs et complices de cette traversée métaphysique, ramenant l’exaltée sur terre quand elle part dans les nuées, accompagnant sa danse quand menace le déséquilibre. La mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo rend le texte parfaitement audible : mouvements et déplacements scandent cette prosopopée du théâtre en l’éclairant et la faisant respirer. Les trois comédiens, brillantissimes, offrent le spectacle tragique et drôle de la condition humaine, attendrissante et pathétique, vibrante et grotesque, piteuse et magnifique. Du très grand théâtre !
Catherine Robert
Du mardi au samedi 19h ou 21h (en alternance) ; dimanche à 16h. Tél. : 01 42 08 00 32. Durée : 1h.
Dans un spectacle soutenu par la Comédie de [...]