La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Marc Sussi

Marc Sussi - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 septembre 2010

Portrait du séducteur en jeune homme

Marc Sussi choisit de jeunes comédiens pour mettre en scène, avec Dom Juan, l’histoire d’un homme qui rêve de vivre sans avoir de comptes à rendre à la mort.

Pourquoi avez-vous choisi d’adapter cette pièce ? Est-ce pour en actualiser le propos ?
Marc Sussi : C’est une adaptation puisque des coupes ont été faites et que les frères d’Elvire disparaissent. C’est une actualisation dans la mesure où ce n’est pas joué en costumes d’époque. Mais il n’y a pas de volonté délibérée d’actualisation. Si j’ai choisi de monter cette pièce, c’est parce qu’elle a encore un écho aujourd’hui même si elle ne répond pas nécessairement à des questions d’aujourd’hui.
 
Qu’est-ce qui vous intéresse dans le personnage de Dom Juan ?
M. S. : La misogynie de cette pièce. Séduire toutes les femmes est un drôle de fantasme. Cette pièce raconte que les rapports entre les hommes et les femmes sont des rapports politiques, y compris dans l’intimité. Ce qui m’interpelle chez ce personnage, c’est le fait de vouloir dénoncer le pouvoir religieux en voulant séduire toutes les femmes. Dom Juan déteste les femmes et il en a peur. C’est un impuissant ou un puceau attardé. Je crois que quand on veut toutes les femmes, on n’en a aucune à la fin et on est renvoyé à son propre vide.
 
« Dom Juan refuse d’inscrire une histoire dans sa vie. »
 
Pourquoi avoir choisi une distribution métissée ?
M. S. : Dans le travail, on s’en fiche. Cette distribution un peu plus métissée que d’habitude, n’est pas une nouveauté en soi. Mais ça donne à la pièce un écho d’aujourd’hui.
 
Pourquoi avoir choisi de faire jouer Dom Juan par un jeune homme ?
M. S. : C’est Jouvet qui a donné à cette pièce ses lettres de noblesse ; c’est le premier qui a vu que c’était une pièce religieuse et a pris ce personnage au sérieux. Jouvet et Vilar ont marqué cette pièce en incarnant un Dom Juan mûr, mâtiné de cynisme, qui exprime une liberté de l’ordre d’une philosophie de la vie. Or Molière dit dans la pièce que Dom Juan est un homme jeune. Le mythe en a fait un homme sans âge mais je ne crois pas que ça soit le cas. En fonction de l’âge de l’acteur, la pièce est différente : on n’est pas inconstant et on ne défit pas la mort de la même façon à cinquante ans et à vingt. Un homme qui a la vie devant lui n’est pas dans une relation au temps. Je crois que Dom Juan refuse d’inscrire une histoire dans sa vie et de rendre des comptes à une mort future. Il veut rester éternellement jeune. Or, le fait qu’une femme efface l’autre est un pur fantasme : la succession des femmes crée nécessairement une histoire.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Dom Juan, de Molière, mise en scène de Marc Sussi. Du 17 septembre au 22 octobre 2010 à 21h. Relâche les 20 et 27 septembre et les 4, 11 et 18 octobre. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, 75011 Paris. Réservations au 01 43 57 42 14. Du 5 au 9 novembre. Mardi, vendredi et samedi à 20h30 ; dimanche à 17h. Scène Nationale de Sénart. La Rotonde, place du 14 juillet, 77550 Moissy-Cramayel. Réservations au 01 60 34 53 60.

A propos de l'événement


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