L’Histoire du Communisme racontée aux malades mentaux
Une réflexion foisonnante sur la folie totalitaire, la nature des utopies et la manipulation politique, à travers le texte de Matéi Visniec mis en scène par Cendre Chassanne.
Que reste-t-il de nos utopies ?
Le texte pétri de références, enserré dans les rets de l’histoire car profondément ancré dans une époque, expose un théâtre de fous grouillant et parfois presque surréaliste – la folie n’épargnant ni les malades ni l’équipe médicale. Qui est fou ? La réponse n’est pas évidente, la pièce suggère plutôt une multiplicité de réponses. La difficulté de la mise en scène réside dans la façon de faire résonner le texte ici et maintenant. « Une utopie, c’est lorsqu’on est dans la merde et qu’on veut en sortir » martèle l’écrivain Iouri Petrovski. Or en ce début de vingt et unième siècle, les idéologies et les utopies semblent bel et bien écrasées par un tas de paramètres : les egos des politiques, des impératifs économiques toujours plus oppressants, etc. C’est bien cette question de la fin supposée des utopies qui sous-tend la mise en scène et interroge le spectateur, actualisant ainsi la portée politique du texte tout en réfléchissant sur l’histoire effarante de Staline. A travers la vidéo et la représentation de la folie, c’est une réflexion foisonnante, – parfois percutante, parfois éparpillée -, sur la manipulation, la fragilité humaine et le mensonge politique qui est menée. Cinq comédiens – Jean-Baptiste Gillet, Isabelle Fournier, Cendre Chassanne, Xavier Czapla et Nathalie Bitan – incarnent une trentaine de personnages avec une belle énergie, et à certains moments surgit toute la cruauté dont les hommes sont capables. La pièce est une très intéressante invitation à regarder l’histoire en face – d’une magnifique théorie à une réalité meurtrière : l’effrayant fiasco du pouvoir communiste – et à regarder l’avenir, en se demandant comment inventer de nouvelles utopies. Camarades, que faire en effet dans cette ambiance politique caractérisée par une superficialité floue et ultra-médiatique ? Pour commencer, allons au théâtre, c’est l’un des derniers lieux collectifs de pensée critique.
Agnès Santi
L’Histoire du Communisme racontée aux malades mentaux de Matéi Visniec, mise en scène Cendre Chassane, le 31 janvier à 20h30 à La Bergerie, Espace culturel, Cours Émile Zola, 1 rue Delattre de Tassigny, 77370 Nangis. Location : 01 64 60 52 09. Le 6 février à 20h30 au Théâtre de Chelles, Place Martyrs de Châteaubriant, 77500 Chelles. Location : 01 64 21 02 10. Spectacle vu au théâtre Jean Arp de Clamart.