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Avignon / 2018 - Entretien / Jean-Michel d’Hoop
Avec sa compagnie Point Zéro, connue pour son travail théâtral avec marionnettes humaines, Jean-Michel d’Hoop aborde dans L’Herbe de l’Oubli les traces laissées par la catastrophe de Tchernobyl. Entre témoignage et poésie.
Après avoir longtemps adapté des textes contemporains, vous avez entamé une démarche documentaire avec Gunfactory (2016), consacré au commerce des armes. Comment la poursuivez-vous dans L’Herbe de l’Oubli ?
Jean-Michel d’Hoop : Alors que Gunfactory documentait, à grand renfort de chiffres, le fonctionnement d’une entreprise belge, L’Herbe de l’Oubli est entièrement centrée sur l’humain. Comme La Supplication, chronique d’un monde après l’apocalypse (1997) de la journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch, dont la lecture nous a bouleversés. Et dont nous avons repris la démarche de récolte de témoignages lors nos trois voyages en Biélorussie puis en Ukraine. Autour de la zone d’exclusion étrangement baptisée « Réserve Radiologique Naturelle ».
Trente-deux ans ont passé depuis la catastrophe. Trente, depuis le travail de Svetlana Alexievitch. En quoi les paroles que vous avez recueillies diffèrent-elles des siennes ?
J-M. d’H : Elles sont peuplées de fantômes. La nature ayant repris ses droits, la douleur y est plus sourde. Et l’oubli menace. Dans les deux pays, nous avons constaté de la part du gouvernement un abandon total de toute éducation aux risques causés par les radiations, très grands en matière d’alimentation, par exemple. Le lobby nucléaire est très puissant.
« La marionnette fait écho au mal invisible qui ronge les terres depuis la catastrophe. »
Quel est le rôle de la marionnette dans ce travail ?
J-M. d’H : La marionnette fait écho au mal invisible qui ronge les terres depuis la catastrophe. Elle permet de mettre le sujet à distance. Elle amène de la poésie et, paradoxalement, de l’humain. Conçues par Ségolène Denis – nous faisons chaque fois appel à des artistes différents –, les marionnettes à taille humaine de ce spectacle questionnent le réel qui se cache derrière des paysages magnifiques. Derrière des non-dits. Pour la première fois, nous utilisons aussi une marionnette à fils, qui ajoute encore un niveau de lecture supplémentaire.
Et les comédiens, qui sont les mêmes que dans Gunfactory, quel rapport à l’objet expriment-ils ?
J-M. d’H : Comme dans chacun de nos projets, la relation artiste/marionnette donne lieu à un jeu sur les codes du théâtre. La nouveauté dans L’Herbe de l’Oubli, c’est l’implication de toute l’équipe dans l’ensemble du processus de création. Pratiquant pour beaucoup une activité artistique en dehors du théâtre, ils ont en effet travaillé autant sur la matière que sur le récit. C’était passionnant, et je compte bien poursuivre dans cette voie. Dans ce laboratoire.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
à 17h. Relâche les 11 et 18 juillet. Tel : 04 90 14 07 99.
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