Catherine et Christian (fin de partie)
Après Des années 70 à nos jours, triptyque [...]
Après Antigone de Jean Anouilh, La Révolte de Villiers de L’Isle-Adam et Le Silence de Molière de Giovanni Macchia, Marc Paquien met en scène Les Voisins de Michel Vinaver : une rencontre de l’ordre de l’évidence avec une écriture forte et singulière, d’une extraordinaire musicalité.
Quel est votre regard de metteur de scène sur l’œuvre de Michel Vinaver ? Qu’est-ce qui vous touche dans son écriture ?
Marc Paquien : Voilà longtemps que je souhaitais mettre en scène l’une de ses pièces car son écriture occupe une place très particulière dans le théâtre français, par sa manière de nous parler de notre histoire en peignant le quotidien dans toute sa banalité. Il a inventé une langue à travers laquelle il déploie son art de dire de grandes choses à travers des mots simples, et derrière cette apparente évidence il y a beaucoup profondeur, de complexité. J’aime sa manière de placer des personnages ordinaires au cœur du tremblement du monde. L’invention de cette écriture, l’audace avec laquelle il traite de l’actualité, cela fait déjà de lui un auteur classique. C’est-à-dire qu’il fait partie du grand mouvement du théâtre contemporain.
« Vinaver place sa comédie dans un entre-deux, entre le drôle et le grave, pour nous parler du monde, de la famille, de l’amitié. »
Pourquoi avoir choisi Les Voisins ? Que voulez-vous représenter à travers votre mise en scène ?
M. P. : Il y a eu une sorte d’évidence absolue : quelquefois les pièces nous arrivent de cette manière et il ne faut pas esquiver la rencontre. Ce qui m’a séduit tout d’abord c’est l’extrême musicalité de l’écriture, la partition qu’il allait falloir orchestrer avec les acteurs. C’est en effet un conte invraisemblable qui commence par une absence : la mort d’Elisa, la chienne d’Ulysse, le jeune homme qu’aime Alice. À partir de cet événement, les deux jeunes gens et leurs pères vont être pris dans une tempête qui ne les laissera pas indemnes. Il s’agit en quelque sorte pour eux de « traverser l’orage », dans un décor qui ressemble à celui d’un conte : deux maisons qui se font face, un bois, une fermette abandonnée, un trésor caché… Pourtant la pièce est aussi une comédie, et cette manière d’affirmer la place du burlesque sur la scène me touche profondément. Car Vinaver place sa comédie dans un entre-deux, entre le drôle et le grave, pour nous parler du monde, de la famille, de l’amitié, et d’un jeune homme cerné par la mort qui peine à trouver le chemin de sa propre vie.
A propos de ses pièces, Michel Vinaver évoque « un va-et-vient entre l’actualité (ce territoire indistinct, morcelé, sans repères) et l’ordre du monde tel qu’il est dit dans les mythes anciens ». Que pensez-vous de cette analyse pour Les Voisins ?
M. P. : C’est en effet sidérant de voir comment il parvient à faire surgir le mythe à partir du quotidien, et par là même à faire entendre ce qu’il y a de plus fort dans notre humanité, avec les mots les plus clairs, les plus simples. À partir des figures du mythe (Ulysse par exemple), il construit une fiction de notre époque qui nous parle, entre autres, des relations de pouvoir dans le monde de l’entreprise, de ce qui constitue les rapports de voisinage, les rouages du capitalisme à travers la quête de l’or. C’est précisément cela qui rend son écriture si singulière et si forte. « C’est beau comme un mythe », disait-il lors des représentations de la pièce en 2002 au Théâtre national de la Colline…
Propos recueillis par Agnès Santi
du mardi au samedi à 21h, dimanche à 15h. Tél : 01 45 44 50 21.
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