La Terrasse

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Théâtre - Entretien

Philippe Adrien / Le bizarre Incident du chien pendant la nuit

Philippe Adrien / Le bizarre Incident du chien pendant la nuit - Critique sortie Théâtre Paris CARTOUCHERIE
Crédit photo : DR

Théâtre de la Tempête / d’après le roman de Mark Haddon / adaptation Simon Stephens / texte français de Dominique Hollier / mes Philippe Adrien

Publié le 28 août 2015 - N° 235

Le jeune Christopher Boone, autiste de haut niveau, génie de la logique et fan de Sherlock Holmes, enquête sur l’assassinat de Wellington, le chien de la voisine. Philippe Adrien s’empare de ce théâtre-récit d’apprentissage, pour un spectacle drolatique et allergique au pathos.

Comment avez-vous découvert ce texte ?

Philippe Adrien : Dans une période où je cherchais un nouveau sujet et pensais choisir une pièce romantique, un Musset, une amie comédienne, qui revenait de New York dans un état de grand enthousiasme, m’a dit tout   le plaisir qu’elle avait pris en découvrant cette pièce sur Broadway, ainsi que la joie des spectateurs. J’ai voulu en savoir plus. J’ai lu le roman et son adaptation théâtrale, avec l’impression de quelque chose de rafraichissant, ce qui n’est pas si courant !

« Au-delà de l’enquête policière, on s’aperçoit que c’est un roman d’apprentissage. »

De quoi cette pièce rafraîchit-elle ?

P. A. : Au théâtre, on travaille beaucoup sur des intensités qu’on voudrait extrêmes, en particulier pour ce qui concerne sentiments et affects. On a parfois l’impression que la révélation de la souffrance nous justifie : c’est la veine de ce qu’Aristote appelle le pathétique ! Or, j’avais probablement consommé un peu trop de ce pathos, et ce texte l’évitait d’une manière que j’ai trouvé très gracieuse. C’est l’histoire d’un jeune garçon autiste, mais il n’y est question ni d’hôpital, ni de pathologie mentale, ni de diagnostic. Tout cela est complètement évacué du paysage dans lequel les auteurs ont situé leur récit. Mark Haddon le dit, d’ailleurs : pour composer la figure de Christopher, il a essentiellement collectionné toutes les bizarreries de ses amis dont il a ensuite doté son personnage. Il y a différentes sortes d’autistes, mais aucun catalogue. J’ai tendance à procéder un peu comme l’auteur et à retenir le comédien qui joue Christopher sur la pente d’une imitation de symptômes dont il faut plutôt s’attacher à repérer comment ils surviennent. La pièce y invite, d’ailleurs : quoique extraordinairement profuse, très dialoguée, très active au plan verbal, elle est aussi très pudique, c’est le caractère de Christopher. Qui dit autiste, dit singularité psychique. Le texte comporte des moments oniriques mais toujours soigneusement balisés par ce qui est dit. Christopher a un esprit scientifique et rationnel : pour comprendre, il lui faut nommer, raisonner, analyser ce qui l’entoure avec la plus grande précision, et sans se donner aucune limite. Une passion si totale, on commence par s’en amuser, et puis je crois qu’on adhère tout simplement au programme de Christopher.

Quelle est la couleur dramatique de cette pièce ?

P. A. : C’est une pièce drolatique dont la particularité tient au fait que les choses sont dites et perçues par un genre d’esprit qui, sans être jamais agressif, du moins en paroles, ne laisse rien passer. Au-delà de l’enquête policière sur la mort du chien Wellington, on s’aperçoit que c’est un roman d’apprentissage : l’enquête de Christopher étant aussi bien une quête initiatique. Ce jeune garçon, disons « embarrassé », se révèle extraordinairement entreprenant et courageux. Il va au bout de ce qu’il doit faire, et en particulier, « tout seul comme un grand », il part pour Londres retrouver sa mère qu’il croyait morte. On est d’emblée curieux d’un cas comme celui de Christopher, mais, en fait, le propos de la pièce est plus général et touche à toutes les questions qui ont trait à la parentalité : qu’est-ce qu’avoir un enfant, et lui permettre de vivre sa vie ? C’est tellement pudique qu’on pourrait passer à côté, mais si on est ému, c’est à cause de cela : comment le père parvient-il à faire place, ne serait-ce que dans son propre esprit, à la singularité de son fils. Christopher est un Asperger : ceux qui sont atteints de ce syndrome sont à la fois handicapés et géniaux. C’est pour une grande part ce qui nous attache à ce récit : Christopher remporte finalement tous les challenges qu’il s’est fixé et donc, tout est possible. Et on est bouleversé.

Propos recueillis par Catherine Robert

 

A propos de l'événement

Le bizarre Incident du chien pendant la nuit
du vendredi 11 septembre 2015 au dimanche 18 octobre 2015
CARTOUCHERIE
75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36.

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