La Révolte
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Ayant pour projet de s’éloigner de l’univers mélancolique couramment associé aux Trois Sœurs, Jean-Yves Ruf signe une mise en scène pleine d’expressivité de la pièce d’Anton Tchekhov. Mais passe à côté de la vie.
Les Trois Sœurs compte parmi les pièces les plus profondément touchantes du répertoire théâtral. Une pièce de passages, de lisières, qui place face à face deux mondes (la province russe languissante et l’effervescence de la capitale), deux époques (la fin d’un XIXème siècle aristocratique et l’émergence d’un XXème siècle porteur d’une nouvelle vision de modernité), deux âges de la vie (l’adolescence et l’âge adulte). A la croisée de toutes ces lignes de fractures, trois sœurs – Macha (Lola Felouzis), Olga (Géraldine Dupla) et Irina (Elissa Alloula) – mettent fin, un an après la disparition de leur père, au deuil qu’elles observaient jusque-là. Et elles se prennent à rêver à une nouvelle existence. Une existence de joie, de liberté, d’amour, qui porte en elle le souvenir du paradis perdu de leur enfance passée à Moscou. Mais le temps passe et leurs espoirs s’envolent. Les trois sœurs restent loin de la capitale, auprès de leur frère (Pierre Yvon) et de sa jeune épouse envahissante (Sarah Pasquier), confinées dans une vie monotone qui bat au rythme de leur ennui et des visites rendues par les officiers d’une garnison voisine.
De réflexions métaphysiques en perspectives quotidiennes
Aucun grand événement dans cette pièce qui déploie tout au long de ses quatre actes, de réflexions métaphysiques en perspectives quotidiennes, les contingences, les fulgurances et les renoncements liés à la condition humaine. Dans Les Trois Sœurs, les heures et les années passent comme le sable glisse entre les doigts. Et des ombres se profilent. Des panoramas souterrains se dessinent. Des arrière-plans demandent à révéler, à travers un équilibre mystérieux, la complexité d’individus balançant entre rire et désarroi, espérance et gravité. C’est tout ce champ d’invisible qui manque à la représentation créée par Jean-Yves Ruf. C’est une forme de fluidité qui permettrait à la vie de s’emparer du plateau. Ce sont des strates de profondeur qui conféreraient davantage de force et de vérité aux intentions de théâtre. Evoluant au sein d’une réalité qui transpose les personnages de Tchekhov à notre époque, les quatorze interprètes rient, pleurent, se taisent, s’interrogent de façon souvent un peu fabriquée. Ils incarnent, avec beaucoup d’énergie, les faits et gestes de tous ces êtres en souffrance. Mais peinent à rendre palpable, vibrant, le cœur de l’énigme qu’ils composent.
Manuel Piolat Soleymat
Salle Roger-Blin.
Du lundi au samedi à 20 h, dimanche à 15 h 30. Relâches les mardis et le lundi 6 avril. Durée de la représentation : 2h35 avec entracte. Spectacle vu lors de sa création au Maillon, à Strasbourg, en mars 2015. Tél. : 01 48 13 70 00. www.theatregerardphilipe.com
Egalement les 23 et 24 avril 2015 à L’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône, les 28 et 29 avril à l’ESPAL au Mans.
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