La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Serments indiscrets de Marivaux par Christophe Rauck

Les Serments indiscrets de Marivaux par Christophe Rauck - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard Philipe

Théâtre Gérard Philipe / de Marivaux / mes Christophe Rauck

Publié le 29 octobre 2012 - N° 203

Ni cacher ni dire son amour, l’esprit de Marivaux est bien servi sur la scène de Christophe Rauck, ambiance cirque et fête, avec des acteurs bien trempés.

Aimer que soi et ne considérer que soi, cet attachement exclusif concerne les amants des Serments indiscrets de Marivaux, Lucile et Damis, qui éprouvent un sentiment démesuré de leur valeur. Les pères respectifs ont décidé de leur union par un contrat de mariage. Mais les enfants éprouvent de la méfiance envers cette alliance, Damis par instinct de liberté, Lucile dubitative envers les hommes qu’elle dit être tendres que s’ils sont amants : « Mais les épousez-vous, … leur idolâtrie finit où nos bontés commencent. » Les promis font le serment de ne pas se marier sans avoir à se dédire. Les voilà liés par un serment indiscret, une convention qu’il leur faut à la fois observer et trahir puisqu’ils se sentent attirés, dès le premier regard, par un même amour qu’ils ne souhaitent ni cacher ni dire. Comment composer entre « la passion de soi » et « la passion de séduire » ? (Michel Deguy) La langue délicate de Marivaux conquiert la scène de ses arabesques verbales de dentelle, un art de la variation et du leitmotiv, autour de la promesse hasardeuse de ne pas s’aimer : « Oui, non, mais, à moins que, … » À cette ronde, s’ajoute Phénice (Sabrina Kouroughli), sœur cadette de la demoiselle jalouse et qui se plaît à s’amuser.

Tension admirable

Médaillons à la Watteau qui évoquent nature et parcs, statues et divinités, fêtes galantes, duo d’amour, bosquets et clairières, les images vidéo façon sépia retracent le cheminement éternel des amours contrariées à travers les regards échangés de ceux qui s’aiment. La mise en scène généreuse de Christophe Rauck choisit l’ambiance cirque et fête, tapis persan et chandeliers dorés, surélevés ou bien rabaissés ; rideaux et voiles hissés puis déposés sur le sol rugueux, jusqu’aux fauteuils renversés violemment quand rien ne va plus. Comique appuyé et facéties, le valet Frontin et la suivante Lisette se démènent en clowns élégants et intéressés. Complices, ils « changent de batterie » au milieu de l’intrigue. Empêchant leurs maîtres de se dédire, ils les incitent ensuite à se retirer pour ne rien perdre du gain. Hélène Schwaller, une Lisette diablesse, fait la leçon aux jeunes gens tandis que Frontin (Marc Chouppart) incarne un philosophe cynique et voyou. Les barbons (Marc Susini et Alain Trétout) ressemblent aux Dupont et Dupond. Pierre-François Garel fait un Damis réfléchi, l’opposé de Lucile (Cécile Garcia Fogel), boudeuse, entre dépit et froissement d’amour. Œil noir et voix feutrée de velours, l’actrice défend dans une tension admirable, entre l’équilibre et la chute, sa condition, partagée entre la “non-demande en mariage“ et le désir social d’une union légitime.

 

Véronique Hotte

A propos de l'événement

Les Serments indiscrets
du lundi 15 octobre 2012 au dimanche 2 décembre 2012
Théâtre Gérard Philipe
59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis

Du 15 octobre au 2 décembre 2012, lundi, mercredi, jeudi, vendredi 20h, samedi 18h, dimanche 16h, relâche mardi. Tél : 01 48 13 70 00. Durée : 2h10
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