Les rendez-vous chorégraphiques de Sceaux

C’est Maryse Delente qui ouvrira l’édition 2007, avec la reprise du Feu
dérobé, bijou taillé dans le n?ud des relations humaines. S’inspirant de
Totem et tabou de Freud, la chorégraphe imagine une société patriarcale
brusquement ébranlée par l’irruption d’un autre ordre, matriarcal. Sa danse,
puissamment expressionniste, chauffe à blanc les rapports de domination, portés
avec un lyrisme flamboyant. Dans La cité radieuse, troisième volet d’une
trilogie consacrée aux rapports du corps et de l’architecture, Frédéric Flamand
déchiffre les flux accélérés et les réseaux qui métamorphosent les mégalopoles,
saturées d’images incrustées jusque dans la chair. Un fascinant ballet qui
réveille l’utopie de la ville-monde?

Angelin Preljocaj révèle aussi les structures sociales sous-jacentes avec
Noces. Créée en 1989 sur les notes enfiévrées de Stravinsky, sa version,
empreinte d’accents slaves, exacerbe la sauvagerie et le tragique de ces
épousailles dominées par la brutalité machiste. Dans Annonciation, donnée
dans le même programme, il fouille l’iconographie de Marie et la dimension
symbolique de cette scène fondatrice. L’image de la mère hante Matri(k)is,
d’Abou Lagraa, diptyque en hommage à la figure de la femme, matrice, sainte et
catin, autant que questionnement sur le double, l’identité sexuelle et la
possession. La gestuelle fluide aux influences mêlées entre contemporain et hip
hop délivre tous les accents de la dualité féminin-masculin. Une fluidité
poussée à la perfection chez l’anglais Russell Maliphant, qui présente trois
pièces, Flux, Transmission, Push. Chez lui, le mouvement se fait pur
jaillissement, orchestré par une écriture aussi précise que nuancée. Pur
plaisir.

Gwénola David