La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Perses

Les Perses - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mai 2011 - N° 188

Après Les Sept contre Thèbes et les Suppliantes, Olivier Py achève sa trilogie en hommage au père de la tragédie avec Les Perses. Trois comédiens incandescents servent cette forme simple et belle.

Convaincu de la nécessité d’une démocratisation active du théâtre, Olivier Py puise aux sources tragiques et use de l’excellence artistique comme instrument d’une communauté élargie. Il termine, cette saison, la trilogie commencée il y a deux ans. Les Perses sont le troisième volet d’une forme légère, destinée à pérégriner dans des lieux inhabituels, pour aller à la rencontre des publics peu familiers des ors institutionnels. Le directeur du Théâtre de l’Odéon prouve ainsi, avec talent et sans tapage, son souci politique et le sérieux intelligent avec lequel il mène sa mission depuis qu’il est à la tête de cette maison. Tout, dans ce spectacle, illustre la volonté d’un théâtre populaire de qualité, celui de « l’élitaire pour tous », pour reprendre cette formule plus souvent rabâchée que véritablement incarnée. Le texte français fait le choix d’une modernisation qui évoque, comme en écho, l’élégance du mètre classique et le rythme magistral de l’alexandrin. La langue est fluide ; la litanie des noms des héros tombés au combat et des hauts lieux de la Grèce sonne musicalement au cœur des incantations. Les trois comédiens disent leurs partitions avec une exaltation qui ne se déprend ni de la fermeté, ni de la clarté ; l’interprétation et la diction réussissent le tour de force de rendre familières ces archaïques alarmes.
 
Limpidité, force et émotion
 
Si Les Perses font l’éloge du courage et du génie militaire des Hellènes, et si Eschyle compose avec cette pièce l’étendard de leur fierté d’avoir vaincu « le Mède chevelu », le génie du dramaturge tient à sa capacité à écrire du point de vue des perdants. Il ressuscite un Darius noble et respectueux des dieux ; il peint une fière et superbe Atossa, veuve du grand Achéménide et mère de Xerxès, ennemi malavisé des Grecs, que le remords d’avoir perdu les siens au combat rend magnifique, humble mais non humilié dans la défaite. La majesté des Barbares pleurant des guerriers valeureux rend d’autant plus éclatante la victoire de la lance athénienne sur l’arc perse, mais restaure aussi l’honneur de l’ennemi oriental que l’Occident vainqueur reconnaît comme un frère en courage et en humanité. Au-delà de l’évident calcul idéologique que sert brillamment le texte d’Eschyle, apparaît une manière magnanime de considérer l’ennemi, que la pusillanimité moderne pourrait entendre comme une salutaire leçon de philanthropie. Philippe Girard et Mireille Herbstmeyer, intenses et justes, Frédéric Giroutru, bouleversant et incandescent, servent la mise en scène sobre et épurée d’Olivier Py avec conviction et aisance. L’ensemble compose un spectacle émouvant et prenant, qui déploie ses effets avec une aristocratique élégance.
 
Catherine Robert


Les Perses, d’après Eschyle ; texte français, adaptation et mise en scène d’Olivier Py, dans le cadre de la Trilogie Eschyle (avec Les Sept contre Thèbes et Les Suppliantes). Du 26 avril au 21 mai 2011. Du mardi au vendredi à 18h30 ; intégrales les 7, 14 et 21 mai. Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris. Réservations au 01 44 85 40 40. Représentations hors les murs de l’Odéon en mai et juin. Réservations auprès du lieu d’accueil ; liste des lieux de représentation et renseignements sur www.theatre-odeon.fr

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