La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Oubliés (Alger-Paris) de Julie Bertin et Jade Herbulot

Les Oubliés (Alger-Paris) de Julie Bertin et Jade Herbulot - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Vieux-Colombier
Les Oubliés (Alger-Paris), au Vieux-Colombier © Christophe Raynaud de Lage

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

Eclairons le passé pour mieux comprendre notre présent, c’est la tâche (ardue) de Julie Bertin et Jade Herbulot avec leur dernier opus, Les Oubliés.

Agréable tout du long, Les Oubliés n’en est pas pour autant un spectacle franchement réussi. Depuis Berliner Mauer, Julie Bertin et Jade Herbulot s’attellent à décrypter notre monde, à examiner comment il s’est construit, dans une approche qui croise l’Histoire avec un grand H et celle des simples individus. Après le mur de Berlin, la guerre de Yougoslavie, la crise grecque, ce duo de jeunes femmes s’attaque ici à la naissance de la Vème République, issue de ce qu’on a longtemps et pudiquement appelé « les événements d’Algérie ». Leur dispositif alterne l’hier et l’aujourd’hui, le politique et l’intime. Sur scène, on célèbre en effet le mariage en 2019 entre une jeune fille « bien de chez nous » (dont le père est viticulteur à Bandol) et un jeune homme né en France d’un père algérien et d’une mère française. Et l’on rejoue alternativement les principales étapes vers l’indépendance de l’Algérie, du retour sur la scène politique du Général de Gaulle, en 1958, au référendum d’auto-détermination de 1962. La fête de mariage va faire remonter à la surface des secrets de famille auxquels feront écho les chaos de l’Histoire en train de se faire. Les Oubliés, comme son titre l’indique, tente en effet de redonner une visibilité aux faces cachées et aux populations oubliées dans la constitution des versions officielles du passé.

Instructif et drôle

Mais c’est là où le bât blesse. On n’apprend rien dans ce spectacle que n’ait déjà vu, normalement, tout élève attentif à sa leçon d’Histoire de terminale générale, qui ménage une place correcte à la Guerre d’Algérie dans les programmes depuis 1983. La répression de la rue de Charonne en octobre 61 ou les scissions au sein du peuple algérien ne constituent pas vraiment des zones d’ombre de l’Histoire, ce que donne pourtant à penser le spectacle. Et dans le même sens, les révélations qui ponctuent le dîner de mariage sur le passé de chaque famille paraissent surdimensionnées dans l’impact qu’elles ont sur les personnages. Peut-être qu’à trop embrasser le cours général de l’Histoire, aucun détail de celle-ci n’arrive à véritablement prendre une force dramatique dans le spectacle. La question du pétrole, ou celle du droit de vote des Algériens sont peut-être sous-exploitées. Passant sur une édification de la fable un peu laborieuse et didactique, soulignons que Les Oubliés propose  aussi un très agréable moment de théâtre, à la fois instructif et drôle, grave et léger, qui ne se prend pas au sérieux tout en véhiculant une version minutieusement documentée de l’Histoire. Le talent des comédiens du Français apporte dynamisme, joie et émotion à cette traversée studieuse des conditions de naissance de la Vème République, et à une cérémonie de mariage où tous les personnages sont intéressants et attachants.

Eric Demey

 

A propos de l'événement

Les Oubliés (Alger-Paris) de Julie Bertin et Jade Herbulot
du jeudi 24 janvier 2019 au dimanche 10 mars 2019
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux Colombier, 75006 Paris.

à 20h30, à 19h le mardi, 15h le dimanche. Relâche le lundi. Tel : 01 44 58 15 15. Durée : 1h35.

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