La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Misérables texte de Chloé Bonifay et Lazare Herson-Macarel, d’après Victor Hugo, mise en scène de Lazare Herson-Macarel

Les Misérables texte de Chloé Bonifay et Lazare Herson-Macarel, d’après Victor Hugo, mise en scène de Lazare Herson-Macarel - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
La compagnie de la jeunesse aimable revisite Les Misérables. © Baptiste Lobjoy

Théâtre de la Tempête

Publié le 10 novembre 2021 - N° 293

Puisque persistent la faim, l’exploitation, l’ignorance et l’humiliation, il y a toujours des misérables. Chloé Bonifay et Lazare Herson-Macarel tentent de relever la gageure d’actualiser la fresque hugolienne en dénonçant les maux de notre époque.

Comme sur le cours de tout fleuve, il y a des rapides et des accalmies chez Hugo, et qui a lu le roman en entier sait que de longues descriptions parfois fastidieuses alternent avec les épisodes de l’intrigue qui conduit Jean Valjean sur le chemin de la rédemption. De même, les personnages y sont décrits d’un trait souvent chargé qui les typifie. Un saint, un oblat, une enfant martyre, une mère tyrannisée par le sort, des profiteurs sans scrupules, un méchant aussi détestable que ceux qu’il traque parce qu’ils sont faits de la boue dont il s’est extrait : les misérables que décrit Hugo sont quasi des modèles génériques, et c’est sans doute pour cela que ce roman a connu tant d’avatars et qu’il supporte aussi bien la modernisation. Le travail de Chloé Bonifay et Lazare Herson-Macarel, original et audacieux, choisit la crise actuelle comme cadre de son adaptation et aménage adroitement sa transposition historique, même s’il souffre de quelques défauts : des héros devenus des archétypes caricaturaux, des longueurs et des excès dans l’exacerbation des caractères et un déploiement d’effets parfois redondants.

Un théâtre qui fait feu de tout bois

Mais reste le souffle : en cela, l’esprit hugolien plane sur la scène, même si la trahison assumée de la lettre peut froisser les puristes. Les comédiens offrent des moments intenses (Céline Chéenne et Abbes Zahmani, jouissifs en Thénardier retors et cyniques ; Sophie Guibard, subtile en Eponine de banlieue ; Emilien Diard-Detoeuf, charismatique en Gavroche à la verve gaillarde et insolente) et des miniatures étincelantes sont l’occasion d’excellents moments de théâtre. Les malheurs de notre époque servent de décor à l’histoire : mal-logement, soupes populaires, délabrement des services publics (commissariat décrépi et hôpital en ruine ; policiers épuisés, soignants exténués, intérimaires opprimés par les cadences infernales et les contrats précaires, intermittents du spectacle maltraités, jeunesse méprisée et prolétariat alcoolisé). La « damnation sociale », que dénonce la préface des Misérables, continue ses ravages. « Tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles » disait Hugo : cette évidence vaut aussi pour ce spectacle.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Les Misérables
du vendredi 5 novembre 2021 au dimanche 21 novembre 2021
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.

Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 2h50.

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