La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Festival

Les Enfants du désordre

Les Enfants du désordre - Critique sortie Théâtre Noisiel La Ferme du Buisson
Rendez-vous Gare de l’Est par Guillaume Vincent. © Elisabeth Carecchio

Publié le 26 octobre 2015 - N° 237

Le festival dédié à la jeune création prend de l’ampleur avec sept compagnies invitées pour cette édition.

Ils sont nés par gros temps, en pleine crise grise, ont connu l’agonie bruyante des « ismes » de toutes obédiences, les leçons pétaradantes des aînés, la poussière des chutes et l’effondrement des ordres qui semblaient quadriller le monde. Ces enfants du désordre auraient pu lester leur art d’un pessimisme seyant ou ignorer les bouleversements sous le fard de l’esthétique. Ils préfèrent en découdre avec la réalité sociale et gratter leur époque là où ça dérange… Frédéric Ferrer s’attaque ainsi aux enjeux du climat dans un Kyoto forever 2 qui reprend le format des conférences onusiennes, où experts, militants et politiques rivalisent en rapports et commentaires. Dans Catherine et Christian (fin de partie), le collectif In vitro, sous la houlette de Julie Deviquet, traverse les décennies et questionne l’héritage de la génération des baby-boomers, ses legs idéologiques comme ses amères désillusions. Le metteur en scène Dorian Rossel revient lui-aussi sur les années 70, quand les cœurs légers réclamaient de « Jouir sans entrave ». Tramant sa pièce, Je me mets au milieu mais laissez-moi dormir, sur le scénario de La maman et la putain, chef-d’œuvre de Jean Eustache, il observe la résonance aujourd’hui de ces slogans portés par les vents libertaires de mai 68 et met en examen les valeurs dominantes de notre époque.

De la fiction au théâtre documentaire

Dans (Ex) Limen, Anne Astolfe pique au vif des us et coutumes de l’entreprise : elle démonte le processus d’élimination d’un salarié par la placardisation pour interroger avec un humour féroce l’importance du travail dans la construction de l’individu et la nécessité de trouver sa place pour exister socialement. C’est aussi la disparition qui guide Frédéric Sonntag et son équipe sur les traces du mystérieux écrivain Benjamin Walter. L’enquête, policière autant qu’existentielle, s’intéresse à la question du renoncement et de la littérature comme témoignage d’une expérience réelle et trace mémorielle. Avec Rendez-vous Gare de l’Est, Guillaume Vincent explore aussi le récit mais par le théâtre documentaire : l’auteur et metteur en scène retrace le quotidien d’une femme maniaco-dépressive pour en dessiner un portrait saisissant où s’entremêlent l’amour, le travail, la maladie. Occident, de Rémi de Vos, creuse les névroses enkystées dans la chair des sentiments et s’aventure au cœur sombre d’un couple, tout à la fois monstrueux et comique, qui s’entretue et s’appuie sur la haine de l’autre, de l’étranger, pour ne pas sombrer. « L’éclat de la poésie se révèle hors des moments qu’elle atteint dans un désordre de mort » écrivait Georges Bataille. A méditer…

Gwénola David

A propos de l'événement

Les Enfants du désordre
du samedi 21 novembre 2015 au dimanche 29 novembre 2015
La Ferme du Buisson
Allée de la Ferme, 77186 Noisiel, France

Tél. : 01 64 62 77 77.

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