La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Caprices de Marianne

Les Caprices de Marianne - Critique sortie Théâtre Paris La Tempête
Sarah-Jane Sauvegrain et David Migeot dans Les Caprices de Marianne. © Brigitte Enguérand

Théâtre de la Tempête / de Musset / mes Frédéric Bélier-Garcia

Publié le 24 novembre 2016 - N° 249

Frédéric Bélier-Garcia met en scène Les Caprices de Marianne avec un aréopage d’excellents comédiens qui offrent une ardeur poignante à leurs personnages, au cœur d’un spectacle servant admirablement le texte de Musset.

Le décor imaginé par Jacques Gabel met d’emblée les comédiens dans la situation d’incertitude qui caractérise les petits enfants du siècle décadent et brutal que décrit Musset. « Figure-toi un danseur de corde… », dit Octave au début de la pièce. Au-dessus du précipice, tous tentent d’avancer avec élégance, mais tous s’abîment dans les affres de leurs passions : Coelio dans l’amour, Hermia dans le remords, Marianne dans sa fierté, Claudio dans la jalousie et Octave dans sa gloriole désenchantée. La scénographie installe l’intrigue sur un tertre qui semble une sépulture promise à tous ces sacrifiés qui vivent d’excès, faute d’espoir : tout suggère que quiconque s’élève ne fait que mieux préparer sa chute. Et si fête il y a, elle n’est jamais joyeuse. Hermia disperse les fleurs qui auraient pu composer de beaux bouquets ; Claudio mouche les chandelles qui auraient offert de la chaleur à la lumière ; les cotillons se prennent dans les cintres ; la musique assourdit les oreilles, et on danse en des transes inutiles, qui ne savent plus convoquer les dieux…

Actualité du fracas

Au milieu de ce marasme, Coelio et Octave, l’amoureux et le fou ; entre eux, Marianne. Les trois comédiens choisis par Frédéric Bélier-Garcia pour les incarner sont d’une justesse confondante, dans leur interprétation et jusque dans leur physique. Sébastien Eveno ressemble au jeune Hugo, celui du romantisme en mal de la splendeur de l’Empire, David Migeot a le regard fiévreux des autoportraits de Delacroix : ils sont Coelio et Octave avec une vérité étonnante. Sarah-Jane Sauvegrain campe une Marianne intelligente et froide, que le désir humanise, à mesure que se déroule l’intrigue qui la cloîtrera dans le malheur, après l’avoir arrachée aux illusions de l’autel. Ses revendications de femme libre, qui refuse d’être le jouet des hommes qui ont accepté d’être celui de l’Histoire, sont sublimées par cette jeune comédienne inspirée. Jan Hammenecker est Claudio : belle idée que d’avoir confié le rôle du barbon détestable et ombrageux à un séduisant quarantenaire, dont on admet que Marianne a pu le trouver aimable avant de rencontrer le sulfureux Octave. Autour d’eux, le reste de la troupe offre une magnifique symphonie. Le texte de Musset, exalté et exaltant, semble écrit pour aujourd’hui et pour une jeunesse à laquelle plus rien ne reste, sinon le désespoir, la consolation des églises ou le cynisme certain des défaites promises par les plus vieux, qui n’ont rien fait pour l’en protéger.

Catherine Robert

 

A propos de l'événement

Les Caprices de Marianne
du jeudi 10 novembre 2016 au dimanche 11 décembre 2016
La Tempête
Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h50.

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