Magifique
Thierry Malandain a voulu son ballet aussi [...]
Le programme mixte Ekman / Johannessen / Maillot montre une compagnie bien accordée sur des propositions hétérogènes. Une soirée pour trois univers distincts mais avec le même regard, magnifiant, sur le danseur.
C’est Jean-Christophe Maillot qui clôt la soirée, comme un point final bien maîtrisé puisqu’il s’agissait de reprendre une pièce de 1995. Vers un pays sage, en dépit de l’hommage posthume, annoncé, au père du chorégraphe, n’est pas une pièce sur la mort, bien au contraire. Les couleurs chères au peintre servent d’écrins lumineux aux variations des danseurs, entièrement tournés vers les accents espiègles et canailles de la musique de John Adams. C’est presque un défi d’accompagner ces éclats jazzy, pompiers, façon comédie musicale ou bande originale de film. Mais le chorégraphe sait jouer de la tempérance tout comme de la montée en puissance, et témoigne, avec ces grandes traversées et cette gamme d’entrées et de sorties, d’un grand sens de la composition dans l’espace. Dans Rondo, la création d’Alexander Ekman, la préoccupation de la musique se situe à un tout autre endroit, du côté du rythme. C’est sur cette notion qu’il base sa pièce, glissant des percussions corporelles au martèlement des pointes, dans une scénographie très riche d’images, du cabaret au cinémascope en passant par le petit théâtre de marionnettes. Très légère et pleine d’humour, cette modulation sur l’idée du rythme n’a pas d’autres prétentions.
Danse de haute volée, humour et mystère
Mais, à trop vouloir que rythme égale pulsation ou mesure, il en oublie malheureusement la musicalité des corps et le lien, cher à Dalcroze, entre rythme musical et rythme interne qui doivent pouvoir entrer en résonnance. La chorégraphe norvégienne Ina Christel Johannessen a été également invitée à créer pour les Ballets de Monte Carlo. Blind Willow est plus mystérieux et possède, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’elle, une certaine sagesse dans l’écriture. Ici, pas d’explosion de corps, pas d’excès ou de lyrisme dans les emportements. Dans un très beau décor où le carton ondulé noir révèle à la fin qu’il n’a rien à envier aux plissés d’Issey Miyake, les danseurs évoluent très simplement dans leur langage, fragile communauté tout en camaïeux. La pièce repose sur la présence de la danseuse aux yeux bandés, qui, dans un colin-maillard avec le groupe, devient une véritable éponge, et porte tous les questionnements et les hésitations du monde. Mention spéciale à cette Mimosa Koike avec son jeu tout en finesse, et qui rayonne également dans les deux autres programmes.
Nathalie Yokel
Thierry Malandain a voulu son ballet aussi [...]