La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2010 - Gros Plan

Les Ballets C de la B chahutent la normalité

Les Ballets C de la B chahutent la normalité - Critique sortie Avignon / 2010

Publié le 10 juillet 2008

La compagnie belge présente deux pièces qui bousculent les visions de la normalité et dévoilent les êtres dans leur fragile et poignante humanité.

« Cette danse s’inscrit dans le monde, et le monde appartient à tous ». La devise frappée au cœur de la démarche d’Alain Platel depuis vingt-cinq ans trace le sillon d’une œuvre singulière, qui marie la grâce et la verve gouailleuse d’une humanité de bric et de broc, résistant malgré tout, contre tout. Heureusement émancipée de tout réalisme social, la danse chez lui dévergonde les codes d’un certain formalisme contemporain et chahute la normalité bien-pensante qui taille l’individu et les comportements sur gabarit. Dans Out of Context, ils sont neuf, aimantés à la solitude du plateau nu. Des corps enfouis sous des couvertures qui dénudent leur fragilité criante, des êtres qui disent la beauté âpre de la vie par leurs gestes affolés et le plaisir du mouvement. Frottant musiques populaires, bits disco et rengaines mélancoliques, ils poussent aux extrêmes le langage physique et touchent à l’indicible de l’humain dans son lien sensible au monde, complexe, parfois violent. « Nous en avons cherché la théâtralité spécifique, en le détachant de tout contexte, de toute situation dramatique narrative donnée, explique le fondateur des Ballets de C de la B, qui fut autrefois orthopédagogue dans un centre pour enfants handicapés moteurs. Cette danse « “ bâtarde“ comme je l’appelle s’inspire d’images de patients qualifiés d’hystériques, filmés par un psychiatre belge au début du 20ème siècle. Les danseurs ne les imitent pas mais recréent une gestuelle en puisant dans leur histoire physique intime pour retrouver en eux la qualité de ces mouvements qui révèlent un rapport au monde hypersensible et tentent désespérément de donner voie aux sentiments. »
 
La danse percute, éructe… exulte
 
C’est aussi cette vitalité pagailleuse et poignante que saisit Gardenia, pièce hors normes dont l’actrice Vanessa Van Durme a porté l’utopie. Sur la scène, ils sont neufs également, qui tous dérogent aux canons habituels : vieux travestis ou transsexuels, ils ont été artistes, puis fonctionnaires, garçons de café, employés ou infirmiers et sont désormais de jeunes retraités. Ils livrent des éclats quotidiens, souvenirs d’antan, histoires d’amour, liens familiaux… racontent le regard des autres et leur combat pour affirmer leur choix de changer de sexe et d’identité. Balançant entre savoir-faire de professionnels et maladresse d’amateurs, ils dénudent avec pudeur et sincérité les cahots de leurs parcours, laissant fuser quelques bouffées délirantes par-delà le rire et l’angoisse. « On continue à espérer quand on est vieux et on espère de mieux en mieux, de plus en plus fort. » dit Vanessa Van Durme. Ceux-là nous le montrent généreusement.
 
Gwénola David


Festival d’Avignon. Gardenia, mise en scène d’Alain Platel et Frank Van Laecke sur une idée de Vanessa Van Durme, du 9 au 12 juillet à 17h, Salle de spectacle de Vedène (accès en navette). Out of context – for Pina, conception et mise en scène d’Alain Platel, du 22 au 26 juillet, à 22h, Cour du Lycée St-Joseph. Tél : 04 90 14 14 14.

A propos de l'événement


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