La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Vide/Essai de cirque

Le Vide/Essai de cirque - Critique sortie Théâtre Paris _Théâtre Monfort
Le Vide/essai de cirque ou l'Homme face au Ciel. CR. DR

Théâtre Silvia Monfort / par Fragan Gehlker

Publié le 27 septembre 2014 - N° 224

Remarquable ! On peut d’ores et déjà l’affirmer à l’aube d’une saison qui ne fait pourtant que commencer : Le Vide / Essai de cirque en sera l’un des sommets. 

Grâce, entre autres, au théâtre Silvia Monfort, le cirque contemporain s’impose comme un art qui vient puissamment régénérer les arts de la scène. Le lieu avait par exemple vu naître le retentissant Ivan Mosjoukine et ses Notes on the circus il y a deux ans. Un succès comparable attend sans doute Le Vide/Essai de cirque cette saison. En peu de paroles, quelques images saisissantes, et un subtil dosage entre la performance technique, l’intelligence dramaturgique et une sensibilité toute simple, ce spectacle démontre en effet, s’il en était encore besoin, que le cirque est capable de véhiculer sur scène au moins autant de sens, d’émotions et de beauté que ses disciplines cousines de la danse et du théâtre. Au moins autant, voire plus. Car le cirque renouvelle des formes de la scène qui ont tendance à s’user et parce qu’au cirque, on ne peut pas tricher : le risque que court l’acrobate est bien réel et la dureté du métier – le travail incessant de la technique – est toujours en toile de fond. Ainsi, quand Fragan Gehlker regarde ses mains, qu’il frotte discrètement après un passage à la corde, il le rappelle. Et quand ce même Fragan Gehlker s’envole, accroché à la renverse comme une araignée au chapiteau pointu du Monfort, saute aux yeux le caractère exceptionnel des circassiens, demi-dieux qui magnifient nos capacités physiques et défient les lois de la gravité. Entre ces deux extrêmes – douleur et dépassement – circule toute la beauté de cet art.

Un fil qui relie la Terre au Ciel

C’est sous le signe du fameux Mythe de Sisyphe de Camus que se place Le Vide, qui plaira néanmoins aux grands comme aux petits. Des cordes pendent du toit et certaines tombent. Comme le héros condamné à rouler son rocher pour avoir trop aimé la vie – mort, Sisyphe a trompé les Dieux pour s’extraire des Enfers et revenir sur Terre -,  Fragan Gehlker serait lui aussi parti pour monter et descendre absurdement ces cordes si lui et ses acolytes, Alexis Auffray sur la piste et Maroussia Diaz Verbeke à la dramaturgie, ne savaient donner du sens à leur art. Drôle parce que jouant avec la peur des chutes et le contrepoint entre scène et enregistrements cocasses ; spectaculaire parce que repoussant sans cesse les limites du risque jusqu’à le laisser croire excessif ; émouvant surtout lorsque l’accompagnement au violon – musique sur un fil, malingre et fragile – accompagne quelques ascensions et descentes de corde ; mais aussi superbe parce s’achevant dans un final aussi bouleversant qu’intelligent, Le Vide… permet ainsi de voir la corde comme on ne l’avait jamais pensée : un fil qui relie la Terre au Ciel, l’instrument-métaphore d’un Homme qui ne cesse de vouloir s’élever trop haut, en cela aussi admirable que pathétique, portant dans cet élan existentiel toute sa vitalité.

Eric Demey

A propos de l'événement

Le Vide/Essai de cirque
du mardi 23 septembre 2014 au samedi 11 octobre 2014
_Théâtre Monfort
106 Rue Brancion, 75015 Paris, France

du mardi au samedi à 20h30. Tél : 01 56 08 33 88. Durée : 1h.

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