« À condition d’avoir une table dans un jardin » de Gérard Watkins : la rencontre inspirée de deux mondes
À la Comédie de Saint-Étienne, où il est [...]
Le Théâtre-Studio d’Alfortville, dirigé par Christian Benedetti est un abri, un refuge, un laboratoire, un lieu de mémoire et de répertoire, un foyer pour l’imagination. Il est en péril, étranglé par la baisse des subventions. Les artistes viennent à sa rescousse pour redire que l’art est aussi indispensable que l’air.
Quelle est la situation aujourd’hui, du Théâtre-Studio ?
Christian Benedetti : Celle d’une mise en péril. La coupe brutale des subventions du Département et de la Région entraîne une perte de 21 % de notre budget, pourtant modeste au regard de toutes nos activités. La Région nous éreinte et réduit notre dotation cinq fois plus qu’elle ne réduit celle des autres théâtres, la Drac nous éreinte pour sponsoriser la politique des campings. Le Département nous éreinte et nous annonce un désengagement total ; des élus prennent des décisions arbitraires avant même que les commissions ne statuent. Nous devenons ainsi les supplétifs de l’austérité, contraints de revenir sur nos promesses aux équipes accueillies que nous ne pouvons plus soutenir ! Nous n’avons plus les moyens d’un régisseur permanent ni d’un chargé de relations publiques ; l’outil de travail et le matériel se dégradent ; Victoire Diethelm s’occupe de la communication de manière quasi bénévole ; nous ne sommes plus que deux, avec Claire Aimo-Alessi, l’administratrice, pour faire marcher le Théâtre-Studio.
Pourquoi ?
C.B. : Pour des raisons idéologiques. Le pouvoir politique affirme qu’il n’a pas le choix, qu’il n’y a pas d’argent pour le spectacle vivant – ce qui est un mensonge – et que nous n’avons qu’à nous faire mécéner pour créer, puisque nous sommes ses ennemis politiques et que j’ai eu l’audace, insupportable à leurs yeux, de me présenter aux élections législatives avec LFI, ce qui, que je sache, n’est pas interdit et ne doit pas valoir comme excuse pour mettre en péril un théâtre, une équipe et confondre argent public et prébendes de copinage. Cette baisse de nos subventions est donc clairement une punition politique. Le maire d’Alfortville, qui a l’intelligence et la dignité de surmonter nos différends politiques, est le seul à nous soutenir : la Mairie, comme nombre de municipalités en ces temps de coupes sombres, prend, autant qu’elle le peut, le relai des institutions défaillantes qui manquent à leur parole.
Que faire, alors ?
C.B. : Je pourrais faire un happening politique dans le théâtre, mais je crois que c’est vain. Je considère que la seule réponse qui vaille est une réponse artistique : non pas faire du théâtre politique, encore moins de la politique au théâtre, mais faire politiquement du théâtre. Les actuels choix de société éliminent délibérément ce qui peut faire effraction. Une proposition artistique est une effraction. Le problème, comme le disait Pasolini, c’est que la culture a tué l’art. La bourgeoisie édulcore le subversif dans l’art en se le réappropriant. Ce n’est pas la culture qui est visée, mais l’art, et sa capacité de mise en débats. La dignité de la pensée est lessivée au profit d’une doxa rassurante. Mais « malgré tout », comme disait Vitez, nous résistons, convaincus que les combats qu’on est sûr de perdre sont ceux qu’on ne mène pas. Le théâtre est l’accueil de l’autre, l’hôte de l’autre, l’hôte de l’hôte. Il n’est pas un divertissement, qui est un rire obligatoire, mais une fête. Nous invitons donc tous ceux, auteurs, comédiens, metteurs en scène, qui ont fait l’histoire de ce théâtre, qui y ont débuté, qui y ont joué, à revenir de janvier à juin pour répondre artistiquement aux attaques : Aurélia Jarry et le Collectif Les Indomptables, Camille Lockhart aka Ecran Total, Ariane Ascaride, Robert Guédiguian, Coline Serreau, Dgiz, Árpád Schilling, Gianina Cărbunariu, Marie-Sophie Ferdane, Jacques Bonnaffé, Valérie Dréville, Sylvain Creuzevault, Oskaras Koršunovas, Galin Stoev, pour ne citer que les premiers… Ce focus emprunte son titre, « Toutes les vies » au monologue de Treplev dans La Mouette. Il est un espace de résistance joyeux où le collectif l’emporte sur l’ordre gris et la déshumanisation ambiante que je ne parviens même plus à nommer ! Edward Bond, dont j’ai créé bien des textes à Alfortville, dit que le théâtre sert à fermer les prisons, sinon, il faut fermer les théâtres. Quel est donc le projet politique actuel sinon rouvrir des prisons ?
Propos recueillis par Catherine Robert
17 janvier autour d’Ariane Ascaride ; 14 février autour de Coline Serreau ; 14 mars autour de Jacques Bonnaffé. Réservations : https://theatre-studio.mapado.com Site : https://www.theatre-studio.com Tél. : 01 43 76 86 56. Soutenir le Théâtre-Studio : https://www.theatre-studio.com/soutenir-le-theatre/
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